Fête nationale 2014 (2) : le feu d’artifice

Publié le : 05 septembre 201815 mins de lecture

C’est une fierté d’être français, de célébrer la fête nationale au milieu de touristes étrangers fascinés par une acérémonie qui transcende les partis et qui exprime les valeurs universelles de la France. Seconde partie.

Après le concert, le feu d’artifice du 14 juillet 2014 à Paris. Mais avant, petit retour sur le concert en réaction à quelques ressentis de certains lecteurs parfois aigris.

Précisons et même insistons pour dire qu’il s’agissait d’un concert populaire, 700 000 présents au Champ
de Mars et au Trocadéro, 3 millions de téléspectateurs français sur France 2, concert qui avait été également diffusé dans sept autres pays par l’Union européennes de Radio-Télévision.

Un rendez-vous (vraiment) populaire

Pas de paillettes, pas de costumes trois pièces, pas de « bobo » non plus au contraire de ce que semble susurrer Bruno Roger-Petit dans une chronique au « Nouvel Observateur » le lendemain du spectacle (à quel titre se sent-il représentant du « peuple » ? que sait-il du « peuple » ?), qui, visiblement, a parlé d’un événement qu’il n’a pas vécu sur place.

Dans les réactions à sa diatribe peu justifiée, il y a, parmi d’autres, cette femme (qui a posté le 17 juillet 2014 à 11h20) : « Je vis à Pantin avec un petit salaire et j’y étais. Entourée par des jeunes venus de Bobigny, une dame travaillant au Conseil d’État accompagnée de sa sœur et de son beau-frère, intermittents du spectacle. Autour de nous, des Américains, des Italiens et plusieurs familles en pique-nique qui visiblement ne font pas leurs courses chez Fauchon et ne s’habillent pas au BHV. Notre joyeuse troupe a largement sympathisé entre 18 heures et la fin de la manifestation, entonnant la Marseillaise à tue-tête et applaudissant à tout va. Bien sûr que cela coûte cher ! Chacun le sait ! Et alors ? Quel plaisir de partager ce grand moment ! Y étiez-vous vraiment, monsieur le journaliste, sur le Champ de Mars, car le peuple de France, lui, était bien présent et il s’est régalé ! ».

Évidemment, les 250 musiciens et artistes étaient habillés comme la politesse et le respect au public l’imposent, mais le public ne faisait pas partie d’une classe supposée dirigeante. D’ailleurs, il y avait aussi des touristes étrangers, heureux d’assister à un événement français. Toute la foule était mélangée, toute classe sociale confondue, et c’est vraiment à cette occasion qu’émerge l’esprit républicain qu’on retrouve aussi dans la France éternelle de De Gaulle.

« Créer un rendez-vous de la musique classique à Paris, proposer au public, aux auditeurs et aux téléspectateurs un événement musical exigeant, prestigieux et populaire : tel est l’objectif de ce concert du 14 juillet, qui s’affirme comme un symbole de la vitalité culturelle française. ». Le chef qui dirigeait, Daniele Gatti, l’a rappelé : « De grands artistes de la musique classique sont réunis en ce lieu emblématique de la capitale par une même volonté : celle de
faire partager au public leur passion, leur exigence, et leur talent, ainsi que l’immense plaisir d’écouter ou de réécouter les chefs-d’œuvre du répertoire. »
.

Danton n’était pas venu au Champ de Mars, ce qui explique pourquoi je n’en ai pas parlé dans mon article (il y avait une émission sur cet homme à la télévision peu avant le spectacle), et j’avais exprimé ma joie, justement, de ne pas entendre sur place les commentaires de Stéphane Bern uniquement réservés aux téléspectateurs.

Tout le monde pouvait obtenir une invitation, il suffisait de la demander, mais elles étaient (forcément) limitées en nombre, il fallait donc s’y prendre tôt à l’avance, comme pour de nombreuses manifestations gratuites.

À parcourir aussi : Que faire ?

Coûts et contrecoup

Évoquons aussi le coût de ce concert. Il était organisé par France Télévisions et Radio France avec le soutien de la Ville de Paris. J’imagine donc qu’il a dû y avoir une subvention de la Ville de Paris mais je n’en ai pas confirmation. Il faut savoir que les musiciens et chanteurs de l’orchestre et des chorales qui officiaient sont des salariés de Radio France. Seuls ont été payés en cachet les solistes ainsi que le maestro et d’éventuels remplaçants de musiciens absents.

L’an dernier (puisque c’était la deuxième édition cette année), le coût pour la radio publique devait être de l’ordre de 100 000 euros. Toute la partie technique (plateau, caméras etc.) a dû être installée et financée par France Télévisions. Pour donner un ordre de grandeur, le plateau technique du concert du 14 juillet 2014 à Toulouse a coûté un peu moins de 300 000 euros. À Paris, il devait être plus coûteux puisqu’il y avait 24 caméras et même un hélicoptère.

Mais il faut aussi se rappeler que c’est dans les missions du service public de l’audiovisuel de faire des manifestations publiques et populaires. La moindre émission de télévision faisant participer le public, gratuitement, à des spectacles, a également un coût technique et artistique, et personne ne râle pour autant. C’est dans les dépenses ordinaires d’une radio et d’une chaîne de télévision.

Au contraire, l’idée serait plutôt de multiplier ce genre de manifestations gratuites pour toucher un public plus large, qui n’a pas forcément accès à la musique classique, culturellement ou pécuniairement.

Le feu d’artifice qui a suivi le concert à la Tour Eiffel a coûté à la Ville de Paris entre 500 et 600 000 euros (soit seulement 0,006% du budget de la Ville de Paris !), un montant supérieur aux autres villes, évidemment, mais les autres villes françaises ont également mobilisé des montants non négligeables : 80 000 euros pour Toulouse, la même somme à Roubaix, 30 000 euros pour Arras et aussi pour Valenciennes (mais pour cette dernière ville, avec un concert qui a coûté 150 000 euros).

Pour comparaison, le défilé militaire de la matinée a coûté 3,5 millions d’euros à l’État, soit sept fois plus que le feu d’artifice. À part Eva Joly en 2011, aucune personnalité politique de poids n’a jamais publiquement remis en cause le défilé militaire.

À consulter aussi : La véritable histoire de la fête de la musique

Gaspillage ou pas ?

Dire qu’on brûle ainsi l’argent des impôts me paraît à la fois excessif et particulièrement de mauvaise foi. Il s’agit de savoir si le peuple mérite ou pas que l’on dépense de l’argent pour la culture populaire. La réponse est oui.

Évidemment que le pays vit des années difficiles, que le chômage ne cesse de s’accroître et que la crise économique creuse le fossé entre les Français, mais dans ce cas, faut-il supprimer toutes les fêtes ? la fête de la musique qui a aussi un coût ? la fête de la science qui permet aux non initiés de comprendre comment la recherche fonctionne ? la fête du patrimoine ? Faut-il arrêter de vivre, interdire les mariages, interdire de rire parce qu’il y a de la misère ? On ne vivrait plus, car le monde ne sera jamais satisfaisant, jamais reposant. Au contraire, ce genre de divertissement, moins abêtissant que bien des jeux télévisés, que bien des émissions de télé-réalité et que bien d’autres divertissements plus coûteux, fait appel au sens artistique, tire vers le haut un public d’ailleurs très demandeur.

Au demeurant, les dépenses pour les feux d’artifices (et éventuels concerts) ne sont pas de l’argent jeté par la fenêtre, elles font vivre de nombreuses personnes, tout un secteur économique et contribuent, comme d’autres dépenses publiques, à la création de richesse (ces dépenses contribuent à plus du quart du PIB). C’est le même débat que sur le statut des intermittents du spectacle : veut-on soutenir ou détruire tout un secteur économique ?

Patriotisme d’artifice

Dans le même ordre d’idée, la suppression de la garden party le jour du 14 juillet à l’Élysée, décidée par Nicolas Sarkozy pour cause de crise en 2009 et confirmée par François Hollande, me paraît relever de l’erreur. C’est vrai qu’à cette occasion, des ministres et anciens ministres, des parlementaires, de notables de la République pouvaient errer de petits fous en verres de champagne sur la pelouse de l’Élysée.

Mais à côté de ceux-ci, encouragés par Jacques Chirac, des personnes « du peuple », certes sélectionnés, mais qui ne font pas partie de cet « établissement » (selon le mot d’un de ses représentants), des élèves de collège méritants, des apprentis primés, des ouvriers récompensés, des sportifs bien classés, etc., bref, les forces vives du pays, y étaient régulièrement invités et pouvaient ainsi se retrouver au cœur du pouvoir, représentant « la France d’en bas » (selon l’expression d’une autre personnalité).

C’est d’ailleurs étrange que parfois, ceux qui pourraient s’imaginer patriotes voudraient éliminer la seule fête vraiment populaire et vraiment nationale du pays, le 14 juillet.

Tour Eiffel et feu d’artifice

Parlons maintenant du feu d’artifice. Le provincial que je suis toujours resté malgré mes années parisiennes a été fasciné par cet extraordinaire spectacle. Comme j’étais placé pour écouter le concert, j’étais du mauvais côté de la Tour Eiffel pour voir le feu d’artifice, et ceux qui étaient au Trocadéro devaient mieux l’admirer, mais cela n’a pas beaucoup gêné.

Je parle du provincial que j’étais car Paris reste toujours pour moi, même si c’est maintenant une quotidienneté, une ville mythique qui m’impressionne plus qu’autre chose. Mes premières rencontres avec la ville furent à l’âge de 4 et 5 ans, je suis monté sur la Tour Eiffel à cet âge tout émerveillé. Et lorsque j’ai travaillé pour la première fois à Paris, pour un stage estival, à 19 ans, je traversais pour aller me restaurer chaque midi les Champs-Élysées, me rendant de la rue de La Boétie et l’avenue Montaigne. Chaque jour, j’étais impressionné d’être au cœur de la France.

La Tour Eiffel est ce monument emblématique de Paris, en lui-même plutôt laid, je pense que si j’avais été parisien à la fin du XIXe siècle, j’aurais violemment protesté contre son maintien au bord de la Seine, mais cette tour reste fascinante, un peu comme les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Je place cette comparaison étrange parce que des deux édifices, j’en ai pris constamment des photographies en tout temps, toute saison, toute heure de la journée et de la nuit, et chaque fois, c’est un plaisir différent, renouvelé, recréé.

Alors, assister à un feu d’artifice tiré depuis cette Tour Eiffel (c’est la première fois qu’il est tiré de là depuis 2002), c’était pour moi un plaisir des yeux inégalé, une sorte de consécration de mes rêves d’enfant. Oui, même adulte, on a le droit à l’émerveillement, et en dehors de toute partialité politique, je me moque complètement des idées politiques de ceux qui ont eu l’idée de remettre le feu d’artifice à la Tour Eiffel, ils ont eu raison de le faire.

Le spectacle pyrotechnique a duré cette année trente-cinq minutes, a été confié au metteur en scène Christophe Berthonneau pour célébrer la Grande Guerre. Il a mobilisé une cinquantaine de personnes pendant six mois de préparation. C’est faire injure à leur talent et à leur travail de mépriser ce genre de spectacle en esquissant une simple moue tranquillement dans son fauteuil.

Parmi les effets les plus insolites, il y a eu ces funambules, qui testaient leur équilibre sur la Tour Eiffel. Cela aurait pu être des hologrammes.

Enfin, cerise sur le gâteau, à la fin du bouquet final, après l’Hymne à la Joie de Beethoven et la Marseillaise, la lune, magnifique, plus tout à fait pleine, s’est levée, orange, juste derrière, en plein axe du Champ de Mars, au sud-est.

L’image de la France

Oui, ce spectacle a eu un coût, mais que les aigris sachent qu’il a fait beaucoup pour la grandeur de la France auprès des étrangers présents dans la capitale cette soirée-là.

À leurs yeux, la France reste toujours ce grand pays de la culture universelle, et c’est dommage que les Français eux-mêmes ne s’en rendent pas compte. C’est d’ailleurs un peu la cause de leurs difficultés économiques, ne pas avoir conscience de leurs atouts et les faire valoir dans la rude globalisation des échanges de biens et services qui s’opère depuis une vingtaine d’années.

Ce soir du 14 juillet 2014, j’étais fier d’être français.

À 16 heures, ce 1er août 2014, les cloches sonneront en souvenir de la mobilisation générale, il y a 100 ans. Je suis également heureux d’être aujourd’hui en paix.

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