Le premier tour des élections départementales du 23 mars prochain devrait prendre des allures de coup de tonnerre dans le ciel politique hexagonal. Il suffit d’écouter autour de soi les réactions face au contexte politique national pour se rendre compte de la colère froide qui monte dans le pays. Trois impressions subjectives font aujourd’hui consensus : la France va à vau-l’eau, elle est mal gérée et elle perd son identité.
Il est vrai que depuis quelques décennies, le pouvoir politique semble avoir perdu pied. L’inflation législative masque des textes mal faits, mal ficelés, peu compréhensibles qui font plus écho à des réactions émotionnelles aux faits divers qu’à une vision de l’avenir. La réforme territoriale en cours totalement défigurée par les montées au créneau des associations d’élus est à ce titre une parfaite illustration de ce que peut être une politique de gribouille.
Dans un contexte où le niveau des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques atteint des sommets, la tiers-mondialisation du pays, la dégradation visible du fonctionnement des services publics est incompréhensible. Cette image d’un pays désargenté, à bout de souffle contribue à un sentiment de déclassement collectif et personnel. Pour la première fois depuis deux siècles, la croyance des Français dans des lendemains meilleurs, qui chantent, n’est plus partagée.
Dans ce paysage dont la mutation semble s’accélérer, la visibilité nouvelle et revendiquée de l’immigration, le recul de la laïcité et de l’unité nationale sous les coups de boutoir du communautarisme apportent une pierre supplémentaire au malaise général. Loin de susciter une union nationale durable, les événements de début d’année ont révélé au grand jour une fracture entre deux France, celle des rassemblements du 11 janvier et celle qui ne se reconnaît pas derrière le slogan « je suis Charlie ».
S’ajoute à cela le triste constat que la classe politique actuelle, dépourvue d’épaisseur, n’est pas à la hauteur. Pire, qu’elle serait devenue une caste coupée du reste de la société qui ne penserait qu’à préserver ses propres intérêts. L’adoption de la a proposition de loi Gourault-Sueur par le Parlement, le 19 mars soit 4 jours avant le premier tour, est révélatrice du fossé qui la sépare de la société. Au moment où le FN qui surfe sur le populisme risque de devenir la première formation politique de France, les élus donne l’image dans le chaos économique ambiant de se « soigner ». Certes ce texte vise à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Ses dispositions portent sur les indemnités, la formation ou encore le congé électif et un statut de l’élu à travers une Charte de l’élu local. Que tout citoyen puisse devenir un élu de la République sans mettre en cause sa carrière professionnelle est une bonne chose mais le texte est par nature boiteux dans la mesure où il n’est pas contrebalancé par une clause mettant un terme au cumul des mandats, c’est-à-dire l’accaparement des fonctions électives par un microcosme qui fait de la politique un métier particulièrement profitable financièrement.
Ce qui est inquiétant aujourd’hui peut s’avérer tragique demain. Comme pour la tectonique des plaques, l’ajustement finit toujours par arriver mais le risque, s’y nous ne nous en préoccupons pas, c’est qu’il soit brutal. La sortie de la crise morale et sociétale que nous traversons nécessiterait de prendre à bras le corps quatre points en particulier.
C’est à cela qu’il faudra bien nous atteler aussitôt le scrutin départemental passé.