Fin de vie : pari gagné pour un large consensus parlementaire

« Le débat est ouvert, et je vois bien que certains sont inquiets et d’autres déçus. Dans cet hémicycle, il y a parfois des affrontements que je juge stériles, mais aussi des débats riches, respectueux, qui sont les témoins de la vie démocratique et font l’honneur de notre assemblée. La mort n’est ni de droite ni de gauche, et elle peut rassembler des hommes et des femmes de bonne volonté pour trouver le chemin de l’amélioration de la loi sur ce sujet douloureux et intime. » (Jean Leonetti, le 10 mars 2015 en ouverture de l’examen en séance publique de sa proposition).

Ce mardi 17 mars 2015 vers 16 heures 50, la proposition de loi rapportée conjointement par Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) sur la fin de vie a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale : elle a été votée par 436 voix contre 34 sur 553 votants. Les principaux groupes parlementaires ont voté très majoritairement pour la loi : PS, UMP, UDI et Front de gauche. Les députés EELV et PRG ainsi que quelques députés PS se sont abstenus pour protester contre le rejet de leurs amendements sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté et plusieurs députés UMP se sont également abstenus pour s’opposer à une nouvelle étape d’un « droit à la mort ».

En introduction au débat parlementaire, le corapporteur Jean Leonetti, ancien chef du service de cardiologie de l’hôpital d’Antibes, avait évoqué le sujet très intime de la mort : « Dans notre société moderne, l’individu revendique toujours plus de sécurité, de performance et de certitude, mais restera démuni devant sa mort que rien n’empêchera, et que rien ne pourra codifier. Cette mort, la sienne, est encore une partie de sa vie, ultime rencontre avec lui-même, qu’il découvrira alors probablement dans sa complexité et son mystère. » (10 mars 2015).

En définitive, les débats ont été d’une bonne tenue et la sagesse des parlementaires a dominé les discussions même si à certains moments, certains élus ont failli flirter avec la polémique avec la ministre Marisol Touraine. Le texte va donc se retrouver en examen au Sénat, instance généralement très constructive pour toutes les lois en rapport avec la bioéthique, et la discussion publique au Sénat devrait avoir lieu en mai ou juin 2015.

Cette loi a préservé le fragile équilibre de la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui va bientôt avoir dix ans. La proposition Claeys-Leonetti a donc obtenu un large consensus même si l’unanimité ne s’est pas réalisée comme ce fut le cas en première lecture dans l’hémicycle pour la loi Leonetti le 30 novembre 2004 où elle avait rassemblé 548 voix favorables et zéro voix contre sur 551 députés présents (généralement, le président de séance ne prend pas part au vote).

Cette proposition de loi est focalisée sur l’idée qu’il faut tout faire pour soulager la souffrance des patients en fin de vie, jusqu’à ce droit à la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Le médecin agit pour soigner les malades, pour leur rendre la vie qui leur reste le plus confortable possible lorsque la maladie est incurable, mais pas pour supprimer des vies.

Si cette pratique existe, j’évoque l’euthanasie, elle doit l’être sous la seule responsabilité de ceux qui la pratiquent et en répondre le cas échéant devant la justice qui, jusqu’à maintenant, est seule capable de distinguer un geste d’humanité d’un geste d’escroquerie ou de course à l’héritage ; elle ne doit pas être autorisée par une loi qui ouvrirait la porte à toutes les dérives (en particulier économiques) et qui généraliserait un acte qui est pourtant très spécifique puisqu’il n’existe pas une seule situation identique de fin de vie.

Si des sondages savamment tronqués et manipulés par le « lobby » de l’euthanasie (je ne sais qualifier autrement les actions militantes de l’ADMD qui, rappelons-le, s’est opposé au texte voté à l’Assemblée alors qu’il permet de mieux soulager la souffrance des malades) laissent croire que la grande majorité des gens est favorable à une « aide à mourir » (la grande majorité le dit « pour certains cas » qui sont déjà prévus par la loi depuis dix ans !), ce sont des réponses de sondés bien portants. Or, cela concerne avant tout ceux qui sont en fin de vie,et eux seuls.

L’ancienne Ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie Michèle Delaunay, députée (PS) de Bordeaux (qui avait battu Alain Juppé le 17 juin 2007 dans sa circonscription), cancérologue et responsable d’hôpital, a rappelé le 17 février 2015 la différence entre l’attente des personnes malades et celle des personnes en bonne santé : « L’impatience de la famille, le mot est cruel, doit toujours être adoucie autant que possible par des paroles et son avis ne pas être suivi à cause d’un éventuel changement d’opinion et de la très grande culpabilité qui pourrait en résulter. La question de l’euthanasie est évoquée par 3% des malades entrant dans une unité de soins palliatifs. Quand le malade est accompagné, qu’on est présent autour de lui, ce chiffre tombe à 0,3%. Un bon accompagnement réduit la demande euthanasique et c’était dans cette optique que je souhaitais que nous assurions l’accompagnement pour tous et en particulier pour les personnes âgées. Enfin, je vous l’assure, en quarante-cinq ans de vie hospitalière et médicale, aucun malade ne m’a jamais demandé d’euthanasie. À l’inverse, il n’y a guère de mois où une famille ne me l’a pas demandée. » (lors de l’examen de la proposition Claeys-Leonetti à la commission des affaires sociales, que j’ai déjà citée ici).

S’il y a eu carence dans le domaine de la fin de vie, ce n’était pas à cause de la loi Leonetti (qui est une excellente loi mais perfectible), mais à cause de tous les gouvernements depuis dix ans qui n’ont pas investi les moyens budgétaires comme il aurait fallu pour développer massivement les soins palliatifs. Le scandale est là et seulement là : seulement 20% des personnes qui devaient avoir accès aux soins palliatifs ont pu en bénéficier. Le quinquennat actuel a perdu trois ans et le plan annoncé par Marisol Touraine le 10 mars 2015 au Palais-Bourbon n’est toujours pas lancé alors qu’il avait été annoncé il y a trois ans, le 17 juillet 2012 à Rueil-Malmaison par le Président François Hollande lui-même.

Lors de la discussion dans l’hémicycle, Jean Leonetti avait tenu à rappeler : « Ce texte répond à l’attente des Français et vise à supprimer les fins de vie douloureuses. Ce texte, vous le savez comme moi, ne permet pas de donner la mort, et il n’est pas la porte ouverte à l’euthanasie ou au suicide assisté. Vous savez que j’y suis personnellement opposé, mais je respecte ceux qui pensent qu’il s’agit d’une évolution nécessaire de notre société. Je partage sur ce point l’avis de Robert Badinter, qui déclarait : « Le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain. C’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe ». L’ancien garde des sceaux ajoutait, à propos de l’exception de l’euthanasie : « Je n’ai jamais été amateur de juridictions d’exception, encore moins quand il s’agit de principes fondamentaux. Nul ne peut retirer la vie à autrui dans une démocratie ». » (10 mars 2015).

Le corapporteur a été ainsi écouté par plus des trois quarts de ses collègues députés. La navette avec le Sénat se fera dans un climat forcément constructif, hors de polémiques stériles, comme cela a toujours été le cas pour ce genre de texte.

Félicitations aux députés d’avoir su trouver la voie fragile du consensus sur ce sujet très sensible, malgré le militantisme parfois aveugle des uns et des autres. Faire preuve de responsabilité, c’est ne pas se focaliser sur ses propres convictions mais étudier le plus raisonnablement possible l’intérêt général des personnes en fin de vie : avec ce texte, ce sera pour les plus vulnérables ni souffrance, ni abandon.

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