Dimanche dernier, nous avons coupé du côté du quartier du Garros pour rejoindre plus vite la route qui nous conduirait au repas d’adieu avec un autre ami gentil et discret. C’est à ce moment que nous avons remarqué une assez grosse caméra sur le bas-côté. On s’est demandé si la télévision tournait un nouveau reportage sur le quartier rural le plus pauvre de France, quand nous avons aperçu, de l’autre côté de la route, un petit attroupement et une voiture de policiers. On a levé les yeux et vu que le toit de la très pimpante mosquée du quartier était effondré.

On a tout de suite compris qu’il y avait eu un attentat contre les musulmans de la ville, probablement en rétorsion de celui du Thalys.

Il semble qu’il ait fallu nettement plus de temps au procureur du département pour en arriver à cette conclusion, lui qui a affirmé sans sourciller que dans notre ville, il n’y a jamais eu de tensions communautaires, tout au plus quelques blagues de potaches, comme un jeté de lardons sur la même mosquée dans le grand élan de charlisation du monde du début de l’année.

C’est pourtant dans cette même ville que mon ami a été étouffé par des feuilles en décomposition, dans cette même ville que d’autres amis nous ont un jour fièrement servi à table une « cuvée Front National ».

C’est une petite ville de province tout ce qu’il a de plus ordinaire. Une petite ville comme il y en a des centaines d’autres en France et où les gens ne sont ni meilleurs ni pires qu’ailleurs. Une petite ville où globalement, ils sont même plutôt plus à gauche qu’ailleurs.

Les gauchos et les fachos

Je crois que j’ai toujours pensé qu’être de gauche était le meilleur antidote contre le fascisme. Encore une de ces évidences dont il va me falloir me débarrasser ou, pour le moins, sérieusement passer au crible du doute raisonnable.

Non, monsieur Sapir, non : le FN n’est pas plus fréquentable aujourd’hui qu’il y a 25 ans. Même si l’on ne peut qu’être impressionné par le boulot de ripolinage intensif qu’a entrepris Marine Le Pen depuis qu’elle a repris l’héritage familial, même si les cadres du parti ont une maitrise du markéting politique de nature à faire pâlir d’envie nos présidents démagogues récents et actuels, il n’en reste pas moins que l’assise idéologique de ce parti n’a pas varié d’un iota et que son fonds de commerce est de fournir, encore et toujours, le même exutoire à ceux que la compétition économique menace ou fracasse : la haine de l’autre.

Détournement photo en vogue sur les réseaux sociaux fachos ces derniers jours.

Je viens de recevoir l’exemplaire de correction du livre sur lequel j’ai travaillé cet été et je me demandais hier soir encore s’il était vraiment opportun que je le sorte du tiroir après 20 ans. La seule personne à qui je l’ai donné à lire n’a plus donné de signe de vie depuis et je suis même allée vérifier qu’elle ne s’était pas désabonnée de mon profil Twitter entretemps.

Rien qu’avec la couverture, j’ai eu le droit à un flot de jugements à l’emporte-pièce, sans qu’un seul mot ait été encore lu. À se demander si cela vaut vraiment la peine de continuer.

Mais voilà, il y a la tentation du pire de Sapir et de beaucoup d’autres derrière lui. Il y a cette photo au message dégueulasse qui rappelle de quoi le FN est le nom. Il y a la nécessité de rabâcher que tous ceux qui instrumentalisent la haine des autres ne sont porteurs d’aucun espoir pour les démocraties. Il faut continuer à démontrer que le FN a beau ratisser large en détournant les thématiques de la lutte des classes parce qu’il a besoin de petit peuple qu’il méprise pour arriver au pouvoir, il n’en reste pas moins un parti porteur d’une idéologie mortifère au service des intérêts de la même bourgeoisie qui nous a plongés dans le chaos il y a plus de 70 ans.

Et qu’il est donc plus que jamais nécessaire de connaitre notre histoire si nous voulons éviter de la reproduire, une fois de plus.

L’Europe actuelle s’avère toujours plus capitaliste, néocolonialiste, productrice d’armes, autoritaire, raciste et mortifère. J’ajoute perverse. Oui, perverse. En effet, quand on fait souffrir d’un côté et qu’on empêche de fuir de l’autre, le tout en culpabilisant les victimes et en faisant de beaux discours souriants et vaniteux, on se comporte de façon perverse, tant à l’égard des migrants que des Grecs, par exemple, dans une direction comme dans l’autre. Cette Europe est sans doute le (petit) continent le plus pervers à l’égard des autres dans toute l’histoire de l’humanité.