« Laura » : le fantôme qui vous hante

Il aura fallu que le sort s’en mêle pour qu’Otto Preminger puisse donner corps à Laura. Mis à l’index par ce diable de Darryl F. Zanuck, le réalisateur d’origine autrichienne ne devra sa réhabilitation qu’aux prises calamiteuses de Rouben Mamoulian, initialement aux commandes du métrage. Un revirement heureux, qui permit au cinéaste d’accoucher d’une œuvre-phare, à la croisée du thriller noir et du mélodrame.

La couleur est annoncée d’entrée de jeu, sans circonlocutions. Le générique d’ouverture défile sur le portrait imposant de feu Laura Hunt, une jeune publiciste rayonnante, au charme envoûtant, qui s’était fait un nom dans la haute société new-yorkaise. Un fantôme sur lequel porte une enquête criminelle et qui, bientôt, ensorcèlera le détective chargé de l’affaire.

À qui doit-on la décharge de chevrotine mortelle ?  Un fiancé fourbe et désargenté ?  Un chroniqueur mondain obséquieux, dont le feu sacré peine à dissimuler l’intempérance ?  Une connaissance plus ou moins proche aux griefs irrémissibles ?  Une tierce personne, dont les liens avec la victime resteraient à déterminer ?  La ligne directrice est posée ; il convient à présent de l’étoffer.

Tuer par amour

Raffinement et orfèvrerie pourraient être les maîtres mots d’Otto Preminger. Promouvant une mise en scène faisant sens, répandant les tirades bien troussées à la manière de l’encre dans l’eau, il explore avec acuité les ambiguïtés humaines et se livre à une satire glaçante des milieux intellectuels. Bâti sur une succession de flashbacks, Laura n’a rien d’une promenade en terrain connu : des portraits vertigineux, au bord de l’abîme, enflent, s’agencent et se délient selon une narration déconstruite, sublimée par une caméra efficiente et l’imagerie dûment oscarisée de Joseph LaShelle.

Sans fourrager ni barguigner, Preminger dépeint un amour secret, une vie par procuration, un meurtre par dépit. Sa fable, tirée d’un roman, prend les allures d’un code de mauvaise conduite aux emphases hitchcockiennes, qui serait dicté par une possessivité macabre. Bercé par les partitions hypnotisantes de David Raksin, ce chef-d’œuvre crépusculaire et inexorable s’appréhendera à jamais comme la rencontre de l’éclat et du terreux, une danse à deux spectres portée par les compositions épatantes de Gene Tierney et Clifton Webb.

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