Le Plus : « Le Mur invisible » / Le Moins : « Supercondriaque » (#43)

Publié le : 11 août 20216 mins de lecture

Le Plus/Le Moins est une chronique cinématographique hebdomadaire. Vous y découvrirez, toujours avec concision, le meilleur et le pire de mes (re)découvertes.

Et cette semaine…

Le Plus : Le Mur invisible (1947). Alarmée par la nuée d’applaudissements qui ponctua un discours antisémite prononcé par le sénateur John Rankin, Laura Z. Hobson décida de s’atteler à l’écriture d’une nouvelle empreinte d’urgence, l’embrasée Gentleman’s Agreement. Un état des lieux lucide et controversé du racisme se doublant d’une fable humaine intemporelle. Producteur de cinéma au nez fin, Darryl Francis Zanuck s’empara promptement des droits d’adaptation du récit, malgré les réticences et divisions de la 20th Century Fox, inquiète quant à la portée d’un tel projet au lendemain de la Shoah. Une fois Le Mur invisible sur les rails, c’est à Elia Kazan qu’est revenu le soin d’échafauder ce drame hautement politisé, où le trouble se niche insidieusement au cœur de l’intolérance et de l’étroitesse d’esprit. Sujet tabou à l’époque, l’antisémitisme y est décliné sous toutes ses formes : lors des recherches d’emploi, au sein de la bourgeoisie, en médecine, dans les complexes hôteliers, à l’intérieur des établissements scolaires, au restaurant, voire chez les Juifs eux-mêmes, pas avares de jugements hâtifs à l’endroit de leur communauté.

Plusieurs fois oscarisé, Le Mur invisible marche précisément dans les pas de Phil Green, un journaliste américain mandaté par sa hiérarchie en vue de rédiger un papier ayant trait à la haine des Sémites. Un ouvrage ingrat, périlleux, et d’autant plus complexe qu’il prend son devoir très à cœur. Après force hésitations, le reporter choisit finalement d’endosser lui-même le costume du pestiféré, clamant à qui veut l’entendre sa prétendue juiverie. Une période tumultueuse durant laquelle il sera confronté aux provocations gratuites, à l’ignominie, au rejet, au cynisme et aux injustices. Une frontière invisible qui le tourmentera et ira jusqu’à empiéter sur son couple. La lutte acharnée que mènera Phil Green est double : dégourdir la conscience collective et imposer la vérité, crue et abrupte, au cœur de chaque foyer.

Gregory Peck, figure de proue d’une distribution impeccable, apparaît comme un filet de lumière dans la pénombre, un accès de sensibilité rompant l’impassibilité des masses. Superbement photographié par Arthur C. Miller, sublimé par les partitions envoûtantes d’Alfred Newman, ce drame à la gravité appuyée se pare des atours – parfois trop prégnants – d’un catalogue des abjections. Chef-d’œuvre intrépide sur l’aveuglement, il sonde en effet, sans discontinuer, les antisémites (im)pitoyables, une bourgeoisie indifférente et une société civile minorant avec obstination la menace xénophobe. Après coup, Elia Kazan exprimera deux regrets majeurs au sujet de son œuvre : une intrigue romantique jugée envahissante et une forme d’embellissement factuel forcément mal à propos. Deux bémols qui ne peuvent toutefois masquer l’essentiel : l’hardiesse nécessaire d’un baril de poudre maintenu en équilibre instable. (8/10)

Le Moins : Supercondriaque (2014). Une réunion au sommet qui s’épanouit au mieux dans les bas-fonds de la comédie française. Ainsi résumé, Supercondriaquen’a rien d’alléchant. Si Dany Boon et Kad Merad forment la paire d’acteurs la plus bankable de l’Hexagone, force est de constater que le rébus de leur cinéma tourne trop souvent au charivari. Depuis le succès historique de l’anecdotique Bienvenue chez les Ch’tis, c’est tout un genre qui se cherche, le petit doigt sur la couture du pantalon. Péniblement maintenue sous perfusion par des débroussailleurs de la trempe de Quentin Dupieux ou Albert Dupontel, la comédie française s’est bouclée à double tour dans une cage abrutissante, mastiquant grossièrement des scénarios largement éventés, et peinant clairement à se défaire de ses vanités. Avec Supercondriaque, la débandade n’est nullement dépareillée.

Dany Boon y incarne lourdement un hypocondriaque solitaire, un peu détraqué, cascade de bruits parasites et de gesticulations vaines à lui tout seul. En deuil et sous la dépendance de son médecin traitant (Kad Merad), il s’échine à neutraliser ses angoisses par la consommation irraisonnée de cocktails de médicaments. Hystérique et mal branlé, Supercondriaque a recours aux ressorts comiques du buddy movie pour se maintenir à flot. Une entreprise vouée à l’échec, tant ce sparadrap passéiste s’avère pétri de préjugés (sur l’aide humanitaire, la résistance armée ou encore l’amour) et aussi décousu que le journal intime d’une gamine de douze ans. On découvre finalement très peu les canines, si ce n’est ironiquement, aux dépens d’un script moins crédible qu’un conte de Walt Disney. Car chez le patient Boon, les symptômes se montrent tenaces. Un sujet de société en chasse un autre, dans une ankylose continue. Si le repli communautaire des Ch’tis a laissé place à l’hypocondrie et à l’automédication, la farce n’en demeure pas moins nauséeuse, anémique et paranoïaque. Prestement conviés au buffet, les gens de mauvais goût vont (une nouvelle fois) se régaler. (3/10)

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