Le PS francophone pousse les feux de l’évaporation de la Belgique

Accrochez-vous, je vais tenter, je dis bien tenter, de vous faire découvrir les arcanes de la politique belge. Tout part de la volonté de Bart De Wever, la leader de la N-VA, grand vainqueur des élections législatives en Flandre (mais aussi en Belgique), de renvoyer le PS francophone, son ennemi juré, dans l’opposition, et ce, à tous les niveaux de pouvoir. Ce qui passe par un gouvernement des droites belges (N-VA, chrétiens-démocrates et libéraux), numériquement possible dans les régions (certes, de justesse en Wallonie) et au fédéral. Mais l’opération ne peut fonctionner qu’à condition de détacher le petit CdH du PS, ce qui n’a rien d’évident, son ancienne présidente et actuelle ministre de l’intérieur, Joëlle Milquet, l’ayant transformé en succursale socialiste depuis une quinzaine d’années.

Sentant venir la manœuvre, le PS a paniqué et a donc conclu, à la surprise générale, un accord de majorité avec le CdH en Wallonie (30 PS et 13 CdH, soit 43 sièges sur les 75 que compte le Parlement wallon) et à Bruxelles (avec le FDF, un parti axé sur la défense des Francophones, qui a rompu avec les libéraux du MR il y a deux ans). La manœuvre n’est pas encore totalement aboutie à Bruxelles, le collège flamand (17 sièges sur 89) du parlement bruxellois n’ayant guère apprécié cette politique du fait accompli. Or il faut la majorité dans les deux collèges pour gouverner, ce qui s’annonce difficile.

Quoi qu’il en soit, le coup est très rude pour les libéraux du MR de Charles Michel qui ont beaucoup progressé lors des élections du 25 mai et qui se retrouvent dans l’opposition, pour l’instant au niveau des régions, pour cinq ans. Impréparation ? Naïveté ? Trahison du CdH ? On ne sait pas encore, mais les tergiversations du MR face à la N-VA en disent long sur les divisions de ce parti entre une aile vraiment libérale et une autre très socialisante toujours prête à trouver des accords avec le PS. Ainsi, alors que Didier Reynders, l’actuel ministre des Affaires étrangères, avait ouvert la porte à un accord de majorité avec la N-VA, Charles Michel l’a aussitôt refermée de peur d’effrayer son électorat : s’entendre avec ces horribles indépendantistes ?

Pas question ! Pourtant, les deux partis, sur les questions sociales et économiques sont extrêmement proches et un accord de majorité limité à ce seul aspect était parfaitement envisageable : la Belgique a besoin de réformes profondes que le PS ne peut absolument pas consentir à moins de se couper d’un électorat qui profite largement des largesses de l’État providence, largesses qui apparaissent comme de plus en plus intolérables aux Flamands, puisque les transferts financiers se font du nord vers le sud…

La stratégie de Reynders était d’autant plus intelligente qu’une participation de la N-VA au niveau fédéral aurait contribué à banaliser ce parti, alors contraint de quitter sa posture tribunitienne, et surtout, en lui permettant de mettre en œuvre son agenda économique, de calmer ses revendications indépendantistes. En effet, c’est en mettant en avant l’impossibilité de réformer en profondeur l’économie et le système social belge que la N-VA a fait avancer son agenda communautaire…

En refusant d’envisager un accord avec la N-VA, Charles Michel pariait donc sur une alliance classique entre le MR et le PS, tant au niveau régional que fédéral. Avantage de cette formule : une répartition équitable des prébendes. C’est cette manœuvre qui vient d’échouer : le PS, craignant que De Wever ne parvienne à convaincre le CdH et le MR de monter à bord de son gouvernement fédéral des droites, a préféré sécuriser son pouvoir dans les régions.

Difficile de prédire comment ce micmac belge va se terminer : la N-VA a rapidement répliqué au PS en constituant une majorité en Flandre avec les chrétiens-démocrates du CD&V (43+27, soit 70 sièges sur 124), éjectant les libéraux flamands de l’Open-VLD dans l’opposition.

Au niveau fédéral, la N-VA et le PS ne pourront pas gouverner ensemble. Le MR, ce cocu glorieux, osera-t-il franchir le pas et faire alliance avec De Wever ? Il l’exclut pour l’instant sans que l’on comprenne très bien les raisons de cette bouderie qui va permettre au PS de se maintenir au pouvoir fédéral. Le CdH, pas vraiment gêné par le mauvais coup porté au fédéralisme, discute, lui, avec la N-VA sur les questions socio-économiques, ne s’estimant pas lié au PS sous prétexte qu’il gouverne avec lui au niveau régional. Une majorité N-VA (33 sièges), CD&V (18), MR (20) et CdH (9), soit 80 sièges sur les 150 que compte la chambre des députés est théoriquement possible. Le PS dans l’opposition au niveau fédéral serait une première depuis longtemps: mis à part quelques parenthèses, il a été de toutes les coalitions depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais, on risque alors d’assister à des tensions extrêmement fortes entre le fédéral et les régions, celles-ci ayant acquis des pouvoirs de plus en plus importants grâce aux… indépendantistes flamands. Avec un gouvernement fédéral des droites, ce seront sans doute les régions francophones dirigées par les socialistes qui seront tentées par le sécessionnisme…

Dessin: Nicolas Vadot. Pour les non-Belges, on reconnait, dans le rôle du con, Charles Michel, et parmi les convives, Paul Magnette, Elio di Rupo, Olivier Maingain du FDF…

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