Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars

Publié le : 11 octobre 201811 mins de lecture

Un nouveau scrutin peu lisible, un FN hypertrophié par les sondages, une gauche divisée au combat…

Les deux prochains dimanches, auront lieu les deux tours des premières élections départementales. Normalement, elles auraient dû être aussi les dernières car il était prévu la suppression des départements en 2020, mais finalement, le gouvernement a reculé. En fait, le gouvernement a tout fait pour que les électeurs s’abstiennent tant la somme des absurdités est grande sur la réforme territoriale. Ce n’est pourtant pas une raison pour s’abstenir. Le droit de vote est la véritable arme du citoyen et lors des deux dernières guerres mondiales, nombreux en France ont donné leur vie pour ce droit que certains veulent mépriser aujourd’hui comme des enfants gâtés et capricieux, et nombreux encore meurent chaque jour un peu partout dans le monde.

Les élections départementales servent à désigner les 4 108 conseillers départementaux appelés à gérer les conseils départementaux. L’appellation a changé, avant, c’étaient les élections cantonales pour élire les conseillers généraux gérant des conseils généraux. Mais il n’y a pas que le nom qui a changé avec la loi du 17 mai 2013. Le mode de scrutin et aussi les compétences. Si le mandat est de six ans, le renouvellement est désormais intégral tous les six ans. Jusqu’en 2015, le renouvellement était par moitié tous les trois ans, pour éviter des ruptures brusques de majorité.

Les dernières élections cantonales ont eu lieu le mars 2011 et en mars 2008. La réforme du 16 décembre 2010 que Nicolas Sarkozy avait fait adoptée prévoyait des élections à la fois cantonales et régionales en mars 2014 avec l’institution des conseillers territoriaux présents à la fois pour le département et pour la région, afin de limiter le nombre d’élus. Mais cette réforme avait été annulée dès l’arrivée au pouvoir des socialistes, qui ont rétabli la clause de compétence générale sur tous les institutions territoriales puis, avec la réforme territoriale lancée par Manuel Valls (la troisième en quelques années !), cette clause de compétence générale a été de nouveau supprimée (avec ce gouvernement, il n’y a même plus besoin de changement de majorité pour défaire ce que le gouvernement précédent a fait).

Mais cela n’indique toujours pas quelles seront les missions des conseillers départementaux qui seront élus dans quelques jours, puisque la loi n’est toujours pas finalisée ! C’est comme si l’on élisait le Président de la République sans savoir quelles seront ses prérogatives, et c’est possible justement qu’en fonction de cela, les électeurs choisissent différemment.

Il faut donc saluer la grande perspicacité de tous les candidats (je dis bien tous) à ces élections, car il leur a fallu quand même trouver un programme sans savoir quels seront leurs pouvoirs. La nationalisation et la politisation du scrutin peuvent ainsi se comprendre pour cette raison.

Par ailleurs, Paris, Lyon, la Guadeloupe et la Martinique ne sont pas concernés par ces élections, les deux dernières n’ayant plus qu’une seule entité régionale (élue en décembre prochain), Lyon ayant transféré les compétences départementales dans sa communauté urbain ; quant à Paris, le conseil de Paris est à la fois municipal et départemental.

En cas de second tour, les deux premières listes sont d’office qualifiées même si elles recueillent moins de 12,5% des inscrits, ainsi que les autres listes ayant recueilli plus de 12,5% des inscrits.

Un autre changement non négligeable a également eu lieu dans le mode de scrutin, véritable usine à gaz où les électeurs auront bien du mal à s’y retrouver. Comme ces assemblées étaient encore particulièrement masculines et comme le scrutin proportionnel avait été exclu pour préserver la représentation très locale des élus, il a été décidé de faire élire des binômes un homme/un femme à la place d’une seule personne. Cela a donc nécessité la fusion de la moitié des cantons, avec quelques charcutages à visée purement électoraliste. Les deux personnes doivent donc avoir des sexes différents (le contraire du « mariage pour tous« ) mais peuvent être de partis différents, voire opposés (rien ne les empêche de se présenter ensemble).

Le résultat « sexuel » est donc déjà connu dès maintenant sur la répartition par sexe : il y aura dans chaque conseil départemental 50% d’hommes et 50% de femmes. Il faudrait d’ailleurs se poser la question sur la pertinence de mettre dans une assemblée délibérative un nombre pair de membres qui risque d’être immobilisée en cas de confrontation 50/50. Cela dit, on ne peut que se réjouir de cette arrivée massive des femmes dans la gestion des départements (ce qui a nécessité à beaucoup de sortants hommes de renoncer à une nouvelle candidature). Il restera à compter aussi quelle sera la proportion de présidentes de conseil départementaux.

Le schéma proposé par le Ministère de l’Intérieur (qui figure ici) reste cependant emprunt d’un grand sexisme : il a représenté studieusement les hommes en bleu et les femmes en rose ; les traditionalistes peuvent respirer, la théorie du genre n’est pas passé place Beauvau !

Contrairement aux précédents scrutins cantonaux, les candidatures individuelles, isolées, n’auront plus beaucoup de chance de passer en dehors des partis et des investitures. Parce qu’il faut maintenant quatre personnes pour constituer une liste, deux femmes et deux hommes, pour deux sièges de titulaire et deux suppléants. Concrètement, au contraire des autres scrutins, il y a donc très peu de listes dans la compétition. En général, il y a une liste FN, une liste UMP-UDI-MoDem, une liste PS et alliés (comme le PRG) et, éventuellement, une liste Front de gauche. Les écologistes ont fait fort puisqu’ils se sont alliés dans certains cantons parfois au PS, parfois au Front de gauche.

Il y aura donc quatre grands blocs politiques qui seront décomptés durant les soirées électorales.

Bien sûr, les principaux enjeux demeurent départementaux, et principalement, la mission sociale des départements (par exemple, l’attribution du RSA, mais aussi les aides pour les personnes dépendantes). Néanmoins, il n’est pas évitable d’y greffer des enjeux nationaux, parce que le climat politique est tel qu’il y aura forcément des leçons à tirer sur le plan national.

Le premier enseignement sera bien sûr le taux d’abstention qui est prévu très élevé. Les candidats arriveront-ils à convaincre les indifférents ? Ce n’est pas évident puisque les élections cantonales étaient traditionnellement les moins courues. Avec les changements et surtout, l’inconnue majeure des compétences, il y a peu de raison que les citoyens y trouvent des raisons de se motiver plus que les fois précédentes.

Le deuxième enseignement, inévitablement, parce que les sondages le martèlent depuis plusieurs semaines, ce sera la proportion nationale des électeurs à avoir choisi des candidats du Front national. Là encore, il est assez admis qu’elle sera élevée. Elle l’a déjà été lors des élections européennes du 25 mai 2014 avec un quart des électeurs. Les sondages font flirter le FN au seuil des 30%.

Trois considérations à propos du FN.

La première est la place du FN par rapport aux autres partis. L’UMP a ici une raison historique de se placer devant le FN. Car cela préfigurera sans doute les prochaines élections régionales où la prime majoritaire avantagera la liste arrivée au premier rang.

La deuxième est évidemment le seuil : si le seuil de 30% est franchi en mars 2015, après avoir franchi le seuil de 25% en mai 2014, Marine Le Pen aura beau jeu de déclarer que sa progression sera irrésistible jusqu’en 2017.

Enfin, la troisième considération, pour le soir du second tour, ce sera le nombre de conseillers départementaux FN et surtout, l’éventualité de conseils départementaux à majorité FN. Il y a beaucoup de monde qui craint cette éventualité, et en particulier parmi ceux qui travaillent dans ces institutions.

Je m’arrête sur le FN et l’abstention : il faut bien comprendre aujourd’hui que l’abstention désavantage le FN. Il est faux de dire que ce parti profiterait en pourcentage d’une faible mobilisation de l’électorat. Aujourd’hui, et depuis 2011, le FN n’est pas dans une optique de petit parti qui défend un fonds de commerce mais bien dans la volonté de construire un parti à vocation majoritaire. Cela signifie que chaque voix perdue (à la pêche) l’éloigne de la majorité.

Le troisième enseignement, c’est la déroute annoncée du PS. Quelle sera l’étendue des dégâts ? Simple tempête ou tsunami ? Cela se verra par le score du PS et de ses alliés (franchiront-ils les 20% ?) et par le nombre de conseils départementaux perdus par la gauche. Mais avant le bilan général, les résultats du premier tour vont être cruciaux pour savoir le nombre de candidats socialistes éliminés dès le premier tour.

Enfin, le quatrième enseignement, c’est le niveau du Front de gauche, et la préservation (ou pas) des deux conseils départementaux actuellement à majorité communiste.

Le FN, qui a maintenant changé son discours sur le cumul des mandats, puisque deux de ses maires cumulent avec leur siège de sénateur (dans un secteur de Marseille et à Fréjus), il est clair que si le FN gagnait une ou plusieurs présidences de conseils départementaux, il serait entré pleinement dans le système politique qu’il a tant critiqué depuis plus de quarante-deux ans…

Quant au PS, il est probable que Manuel Valls, habitué aux ministères qui valsent, formera un troisième gouvernement avec ce suspens insoutenable complètement décalé par rapport à la situation électorale : les écologistes reviendront-ils enfin au gouvernement ? Une question qui intéresse particulièrement Jean-Vincent Placé, François de Rugy et Barbara Pompili, à défaut d’intéresser leurs électeurs.

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