Eh oui c’est le 15 juillet 1914, le lendemain de notre fête nationale, que fut voté au Sénat la création de l’impôt progressif sur le revenu. Une des réformes ou plutôt LA réforme phare de la III ème République (avec la loi dite de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat) dans une année qui bouleversera le monde entre l’assassinat de l’archiduc d’Autriche François Ferdinand à Sarajevo le 28 juin et le déclenchement de la 1ère guerre mondiale qui allait suivre, le 3 août de cette même année.
Qui donc est celui à qui nous devons cette invention maléfique qui nous poursuit encore ? Un parti qui dominait alors la politique française, le parti radical et plus particulièrement le Ministre des Finances qui s’appelait Joseph Caillaux. Une idée qui datait des années 1830/80 et que Gambetta avait déjà inscrit à son programme en 1869.Une idée qui avait déjà été mise en ouvre bien avant nous, au tournant du siècle, en Allemagne, en Italie, aux Pays Bas, en Grande Bretagne et même aux Etats-Unis mais pour laquelle il nous avait fallu attendre l’arrivée du Tigre, Clemenceau, en 1906, pour le remettre à l’ordre du jour.
Il en avait chargé son ministre des Finances,Joseph Caillaux, ex royaliste du temps de Mac Mahon et ancien inspecteur des finances, qui donc proposa aux votes de nos députés et sénateurs dès le début 1907 la création d’un impôt progressif sur les revenus en remplacement (partiel hélas) des 4 impôts existants,- les quatre vieilles les appelaient t on alors-, les impôts Fonciers, Mobiliers,la Patente et l’impôt sur les Portes et Fenêtres.
La polémique fut immédiatement féroce entre les pour et les contre comme elle l’avait été précédemment pour la question religieuse quelques années auparavant. La faute à la « classe moyenne », émergente à l’époque, dont les uns et les autres voulaient capturer la clientèle. D’un coté ceux qui se méfient de l’emprise de l’Etat et de l’inquisition fiscale, les libéraux de droite, proches des milieux d’affaire, les lobbys, mais aussi certains socialistes et de l’autre les radicaux qui voulaient lutter contre la concentration croissante des fortunes.
La loi finit par être adoptée en mars 1909 mais il restait à obtenir un vote positif du Sénat ! Celui çi décida…de confier l’affaire à une Commission Spéciale qui mit quatre ans à rendre son rapport en novembre 1913.
Entre temps la situation politique avait bien changée. Joseph Caillaux avait eu le temps de quitter le ministère des Finances mais venait d’y revenir. Et surtout les bruits de guerre se faisaient plus persistant depuis la crise d’Agadir de 1911 et le Parlement avait décidé de passer de 2 à 3 ans le service militaire, une mesure coûteuse qu’il ne savait pas comment financer. Et le parlement s’était rendu compte également du bénéfice que l’Allemagne tirait de cet impôt pour son armement C’est dire que l’arrivée du rapport du Sénat arrivait à point nommé.
C’est là que survint un évènement criminel qui marquera la création de cet impôt nouveau. Le Figaro, opposé à l’impôt, publia une lettre de Joseph Caillaux de 1901 à sa maîtresse, dans laquelle il apparaissait particulièrement hypocrite, alors qu’il était en même temps empêtré dans un scandale financier. Mme Caillaux, la femme du Ministre décida de venger l’affront en se rendant au Figaro pour y assassiner froidement son directeur, Calmette dans son bureau. Joseph Caillaux fit obligé de démissionner mais sa loi sera finalement voté au Sénat le 15 juillet dans la perspective du confit approchant
Quant à Mme Caillaux, elle fut jugée et …acquittée, le 28 juillet. Quelques jours plus tard l’Allemagne déclarait la guerre à la France. Et c’est ainsi que depuis 100 ans, nous (du moins les cinquante pour cent qui le payent) sommes traqués tout les ans par la déclaration de revenus et le calcul des impôts sur le revenu restant à payer. Merci Monsieur Caillaux