Élisabeth II dépasse Victoria et incarne un certaine idée de la monarchie anglaise

Publié le : 03 octobre 201816 mins de lecture

« En cette année spéciale, alors que je me consacre à nouveau à votre service, j’espère que nous allons tous nous souvenir de la puissance de l’unité et de la force rassembleuse de la famille, de l’amitié et du bon voisinage. (…) J’espère aussi que cette année de jubilé sera l’occasion d’exprimer notre gratitude pour les avancées majeures réalisées depuis 1952 et d’envisager l’avenir avec sérénité. » (Communiqué du 6 février 2012 à l’occasion du 60e anniversaire de son règne).

C’est ce mercredi 9 septembre 2015 à 18 heures 30 que la reine du Royaume-Uni, par ailleurs reine du Canada, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’un grand nombre de petits pays, Élisabeth II, atteint et même dépasse la longévité de son arrière-arrière-grand-mère, la fameuse reine Victoria. En effet, à la mort prématurée de son père, George VI, Elizabeth Alexandra Mary Windsor est devenue reine il y a exactement soixante-trois ans sept mois et trois jours, soit un jour de plus que le règne de Victoria. Le 6 février 1952, elle avait 25 ans (aujourd’hui, elle a 89 ans), et a été couronnée le 2 juin 1953 en l’abbaye de Westminster (sa grand-mère, la reine Mary de Trek, l’épouse de George V, est morte deux mois avant, le 24 mars 1953).

Elle n’est cependant pas la souveraine la plus ancienne régnant au monde aujourd’hui puisque Rama IX (87 ans) est roi de Thaïlande depuis le 9 juin 1946, soit plus de soixante-neuf ans.

Lorsqu’Élisabeth II est née, le 21 avril 1926, on ne pensait pas qu’elle deviendrait un jour reine. À l’époque, c’était certes son grand-père George V qui régnait (mort le 20 janvier 1936) mais elle n’était que la nièce du prince héritier (Élisabeth enfant s’amusait toutefois à donner des cours de maintien à sa petite sœur). Il a fallu qu’Édouard VIII préférât l’amour au pouvoir, sans doute pour le bien de l’humanité alors qu’on lui prêtait quelques vagues affinités avec le régime nazi, et donc abdiquât le 11 décembre 1936 pour que son père, George VI, accédât au trône (son père s’appelait Albert mais ce fut un prénom trop germanisant pour le porter comme roi). Elle avait alors 10 ans et nul doute qu’à partir de ce moment-là, elle s’est formée et préparée au rôle de sa vie. Je conseille de regarder le film « Le discours d’un roi » réalisé par Tom Hooper (sorti le 22 décembre 2010) qui retrace la vie de cette petite famille portée sur le devant de la scène juste avant la guerre.

Elle est encore loin d’atteindre la longévité de Louis XIV (soixante-douze ans) mais si elle vit aussi longtemps que sa mère (la reine mère Elizabeth Bowes-Lyon), elle pourrait même la dépasser (sa mère est morte à l’âge de 101 ans et demi, ce qui se traduirait, pour elle, par un règne qui se prolongerait jusqu’en 2028 !).

Pour l’instant, Élisabeth II paraît, malgré son âge, avoir toutes les capacités pour être reine et il semblerait qu’elle ne soit pas du tout pressée d’abdiquer, comme l’ont fait récemment certains de ses collègues européens, Beatrix, reine des Pays-Bas (après trente-trois ans de règne le 30 avril 2013 à 75 ans), Albert II, roi des Belges (après près de vingt ans de règne le 21 juillet 2013 à 79 ans), et encore Juan Carlos, roi d’Espagne (après plus de trente-huit ans de règne le 18 juin 2014 à 76 ans).

Par sa tenue (elle n’en est pas moins accessible ; on peut même la contacter sur Internet), son humour, son sens du devoir, sa discrétion figée (« never complain, never explain » selon la formule de Victoria), elle incarne au mieux l’idée de monarchie qui, pourtant, est très critiquable, surtout quand la famille royale se fond dans des scandales plus ou moins familiaux (est considéré comme un scandale, par exemple, un divorce). Grâce à elle, la monarchie jouit encore d’une belle popularité dans son pays alors qu’elle paraît, avec son protocole lourdingue, complètement anachronique.

C’est d’ailleurs très étrange d’imaginer ainsi que les chefs d’État ne le doivent qu’à leur naissance et pas à leur mérite (en ce sens, je ne peux être que républicain), même si au moins, l’enfant, l’adolescent puis le jeune prince (ou princesse) est forcément préparé à ce rôle qui est surtout honorifique (on a vu pour George VI et pour Juan Carlos que parfois, le rôle n’est pas si honorifique que cela et qu’il peut même avoir un effet politique décisif).

Ordre de succession à la couronne britannique

Élisabeth II s’était mariée avant d’accéder au trône, le 20 novembre 1947 avec Philippe Mountbatten, duc d’Édimbourg, qui a 94 ans, qui est, lui aussi, un arrière-arrière-petit-fils de la reine Victoria et qui, à ce titre, fait partie de l’ordre de succession au trône (au rang 504 en 2007, mais la liste évolue au gré des changements familiaux, naissances et décès).

Car c’est l’élément essentiel dans une monarchie, ce ne sont pas les élections mais l’ordre dans la liste de succession, qui aurait 4 972 noms pour recenser tous les descendants de la reine Victoria (au jour du mariage de William et Kate, avant donc la naissance de leurs deux enfants).

Le premier censé succéder à Élisabeth II serait le prince Charles (66 ans), prince de Galles, qui a ce statut de prince héritier depuis qu’il a l’âge de 3 ans ! Il devra peut-être attendre d’avoir 80 ans, voire plus, pour devenir roi, à moins qu’il passe son tour. Son histoire avec sa maîtresse Camilla Parker Bowles (68 ans), qu’il connaissait depuis 1970 et avec qui il s’est finalement marié le 9 avril 2005, a beaucoup terni l’image du couple princier idéalisé lors de son mariage avec Diana Spencer le 29 juillet 1981. Divorcée le 28 août 1996, Lady Di est morte le 31 août 1997 à 36 ans dans un accident de voiture sous le pont de l’Alma à Paris. Il a été convenu que Camilla, duchesse de Cornouailles (elle-même divorcée le 3 mars 1995), ne porterait pas le titre de reine consort même si le prince Charles accédait au trône. Il est également très probable que Charles ne prendrait pas ce prénom s’il devenait roi, étant donné le sort funeste des précédents Charles (Charles Ier et Charles II).

Évidemment, toutes les attentions se portent maintenant sur la nouvelle génération, deuxième dans l’ordre successoral, le fils aîné de Charles, William (33 ans), duc de Cambridge, qui s’est marié avec Kate Middelton (33 ans) le 29 avril 2011. Un sondage réalisé auprès de deux mille personnes et publié par le journal londonien « The People » en novembre 2010 a indiqué que 55% des Britanniques souhaiteraient que William succède à sa grand-mère contre seulement 16% le prince Charles.

Les deux suivants sur la liste de succession sont donc les deux enfants de William et Kate (deux premiers à ce jour), à savoir George Alexander Louis de Cambridge (né le 22 juillet 2013) et sa sœur Charlotte Elizabeth Diana de Cambridge (née le 2 mai 2015). Si ces deux enfants avaient d’autres frères et sœurs, ceux-ci se retrouveraient immédiatement après sur la liste. Viennent ensuite le frère de Wiliam, le prince Harry (presque 31 ans), puis les autres membres de la fratrie de Charles, etc.

Par ailleurs, il est bon de préciser que la règle de succession a été bouleversée le 28 octobre 2011 (acceptée par la reine le 25 avril 2013) : à compter des personnes née après 2011, il n’y a plus priorité des hommes sur les femmes dans une fratrie (seul l’âge compte), les personnes s’étant mariées à un conjoint catholique peuvent aussi faire partie de cette liste (ce qui n’était pas le cas jusqu’à cette date) et le consentement du souverain au mariage n’est désormais requis que pour les six premières personnes de la liste.

Il faut néanmoins reconnaître que la règle de succession britannique, qui autorise les femmes à accéder au trôner, et Victoria et Élisabeth II en sont les deux grands exemples, est beaucoup moins misogyne que celle du trône de France (toujours régie par la loi salique) qui exclut les femmes à la prétention au trône (cette règle a donc considérablement réduit les possibilités de succession, aboutissant trois fois dans l’Histoire de France à une fin de branche par le règne de trois frères successifs).

Dans tous les cas, le Parlement britannique est associé à la désignation du successeur. En d’autres termes, il faut une loi pour reconnaître le nouveau souverain. Cette coutume (également en cours dans d’autres monarchies, comme en Espagne) vient de la fuite du roi Jacques II le 11 décembre 1688. Le Parlement a donc dû déclaré qu’il avait abdiqué et que le trône était vacant avant de l’offrir à sa fille Marie et son genre et neveu Guillaume d’Orange. Une opération menée par la noblesse anglaise contre Jacques II, cousin de Louis XIV et surtout catholique, qui avait des visées un peu trop francophiles.

À parcourir aussi : 50 vérités sur le roi d’Espagne Juan Carlos I de Bourbon

Elizabeth II ne ne gouverne pas

Si elle règne sur le Royaume-Uni, la reine ne gouverne pas. Cette tâche est attribuée au Premier Ministre qui est le leader du parti qui a gagné les élections législatives. Un changement de leader amorce un changement de Premier Ministre même quand il n’y a pas de changement parlementaire (ce fut le cas pour la succession de Margaret Thatcher). Cependant, ce fut elle qui choisit le nom du successeur d’Anthony Eden (ce dernier démissionnant après l’échec du contrôle du Canal de Suez) et d’Harold Macmillan. Les Tories ont choisi ensuite eux-mêmes leur leader à partir de 1965.

Depuis 1952, Élisabeth II a donc régné avec douze Premiers Ministres britanniques différents : Winston Churchill (nommé le 26 octobre 1951), Anthony Eden (7 avril 1955), Harold Macmillan (10 janvier 1957), Alec Douglas-Home (19 octobre 1963), Harold Wilson (16 octobre 1964 et 4 mars 1974), Edward Heath (19 juin 1970), James Callaghan (5 avril 1976), Margaret Thatcher (4 mai 1979), John Major (28 novembre 1990), Tony Blair (2 mai 1997), Gordon Brown (27 juin 2007), et enfin David Cameron, depuis le 11 mai 2010 (et réélu avec grand succès le 7 mai 2015). Seulement quatre ont été travaillistes (Labour) pendant une vingtaine d’années, les huit autres furent conservateurs (Tories).

Les trois figures les plus importantes furent sans doute Churchill (que l’Histoire avait déjà consacré au même titre que De Gaulle), Margaret Thatcher et Tony Blair. Ce dernier, plutôt défavorable à la monarchie, a su nouer des relations efficaces avec la reine dans un moment particulièrement difficile pour la famille royale (à la suite du divorce de Charles, de la mort de Diana, de la mort de la reine mère et de Margaret, la sœur de la reine, du mariage de Camilla, etc.), que le film « The Queen » réalisé par Stephen Frears (sorti le 15 septembre 2006) a tenté (maladroitement à mon sens) de retranscrire (quelques années auparavant, 1992 fut nommée « annus horribilis » le 24 novembre 1992 par la reine en raison du divorce de trois de ses enfants).

En réalité, ce ne sont pas douze Premiers Ministres mais cent cinquante-huit au total qu’elle supervisa depuis 1952, dans tous les royaumes du Commonwealth, sans compter les États du Commonwealth qui ne sont plus des monarchies et donc, dont la reine n’est plus le chef de l’État.

Les opinions politiques de la reine doivent rester strictement confidentielles et c’est souvent un vrai jeu du chat et de la souris pour les journalistes de tenter de connaître l’opinion de la reine sur certaines sujets politiques (comme la guerre en Irak etc.). Cette privatisation de l’opinion royale ne l’a pas empêchée d’avoir une certaine influence au cours de son règne. Cela aurait été le cas notamment pour hâter la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.

Beaucoup de constitutions ont changé depuis le début de son règne, la fin de l’Empire britannique, l’autonomie institutionnelle totale de quelques États comme l’Afrique du Sud, le Pakistan, la Rhodésie, Ceylan, la Gambie, le Kenya, l’Ouganda, le Malawi, le Nigeria, Malte, Fidji, etc. Le Canada et l’Australie ont failli également prendre leur indépendance mais Élisabeth II a su jouer d’une grande habileté à séduire des personnalités initialement très réticentes au maintien de la reine comme chef d’État dans leur pays, ou au contraire à se désengager de toute implication personnelle (ce fut le cas lors de la destitution de Gough Whitlam)… Parmi les autres grands événements de son règne, il y a eu aussi la guerre aux Malouines, la paix en Irlande et bien entendu, l’adhésion du Royaume-Uni dans l’Union Européenne.

À consulter aussi : La Rabouilleuse

Une souveraine sortie des entrailles de l’histoire européenne

Raillée comme une gamine très scolaire lorsqu’elle a succédé précipitamment à son père (Churchill fut au contraire impressionné par sa grande maturité), Élisabeth II fait aujourd’hui l’objet d’un profond respect tant intérieur qu’extérieur. Son âge aidant, son expérience, son intelligence politique mais aussi psychologique (son allocution du 5 septembre 1997 à la veille de l’enterrement de Lady Di a retourné une situation qui lui était très défavorable dans « l’opinion publique » britannique), et même ses tenues aux couleurs très vives ont rendue Élisabeth II sympathique et ont fait progressivement d’elle une sorte de pape au féminin, apprécié du monde entier (elle est d’ailleurs par ses titres gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre), capable de donner quelques discrètes impulsions.

Mais avec son rôle honorifique à la tête du Commonwealth, on pourrait presque la rapprocher d’une sorte d’empereur (impératrice) moderne d’un nouveau Saint Empire, celui du « vieux continent », selon l’expression de Dominique de Villepin, devant lequel tout le monde s’incline par respect…

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