Exposition « Le Chant de la Terre », de Fatima El-Hajj

Avec sa nouvelle exposition parisienne, intitulée Le Chant de la Terre (Galerie Claude Lemand, 16, rue Littré, 75006 Paris, jusqu’au 4 octobre 2014), l’artiste libanaise Fatima El-Hajj retrouve une palette éclatante où les rouges, les jaunes, les verts et les bleus semblent sortir de l’espace circonscrit des toiles pour entraîner le spectateur dans un tourbillon chromatique. La dernière fois que j’avais visité son atelier de Rmeileh, près de Saïda (Liban) il y a un peu plus d’un an, j’avais été frappé par ses tableaux qui faisaient alors appel à des couleurs assez sombres, traduisant une atmosphère inhabituellement pesante.

Cette rupture temporaire s’estompe aujourd’hui avec une série de travaux récents qui placent la lumière au centre de la création et célèbrent la nature dans ce qu’elle peut offrir de plus flamboyant, mais aussi – et ce n’est pas le moindre des paradoxes – de plus doux. Sur les cimaises, la fraîcheur des jardins parisiens (Ranelagh, parc Montsouris) où le vert s’exprime pleinement dans toutes ses nuances voisine avec l’ardeur ensoleillée des paysages méditerranéens, suggérée par le rayonnement des rouges et des ors.

fatima_el-hajj_le_jardin_du_ranelagh_2013__acrylique_et_huile_sur_toile_110_x_72_cm

Comme les Nymphéas de Monet, la peinture de Fatima El-Hajj nécessite de prendre du recul : près du tableau, les jeux de matières, les larges aplats parsemés de touches et de points, à la limite de la projection, feraient volontiers penser à une peinture abstraite, mais il suffit de s’éloigner de quelques pas pour que la composition s’assemble, se construise et révèle son thème. Le regard à l’œuvre découvre alors des silhouettes suggérées, d’animaux (notamment de chats – ces chats qui évoluent si librement dans le jardin de l’artiste) ou de femmes la plupart du temps. « Suggérées », car les formes restent avant tout allusives, comme si les êtres devaient se fondre avec la nature, dans une harmonie qui exclurait toute vaine tentative de domination.

fatima_el-hajj_apres-midi_2011_89_x_116_cm

Cet univers, on le pressent, s’éloigne du réel angoissant, fait d’insécurité, de violence, de fanatismes, pour proposer une approche vivifiante et pacifiée, une invitation baudelairienne au voyage, « Là où n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. » Face au monde tel qu’il se présente, la démarche se révèle donc d’autant plus subversive qu’elle tend vers l’apaisement, la rêverie, la culture (à travers les sculptures, les instruments de musique et les livres que l’on retrouve entre les mains des personnages), notions qui échappent aux sociétés précipitées au bord du gouffre par des conflits qui les dépassent.

Même si, dans quelques œuvres, se profile un rappel de l’Orient, comme dans Bibliothèque ancienne (2013) où une cafetière et la table sur laquelle elle est posée ne laissent aucun doute, la peinture de Fatima El-Hajj, le plus souvent de grand format, atteint l’universel, comme ces paysages de Pierre Bonnard avec lesquelles ses toiles cousineraient facilement.

Illustrations : Jardin du Ranelagh, 2013. Acrylique et huile sur toile, 110 x 72 cm. © Fatima El-Hajj. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris – Après-midi, 2011. Acrylique et huile sur toile, 89 x 116 cm. © Fatima El-Hajj. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

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