Le ministre adjoint aux finances, Dimitris Mardas, a chiffré, samedi, lors d’un débat à la Vouli, le parlement monocaméral grec, à 278,7 milliards d’euros très exactement (les cents ont dû être oubliés) les réparations de guerre que l’Allemagne devraient à la Grèce depuis 1944, date de la fin de l’occupation nazie du pays (dont 10,3 milliards correspondants au prêt forcé exigé des nazis de la Banque nationale grecque).

Soit plus que l’ensemble de la dette grecque actuellement possédée par les Etats de la zone euro, le MES (Mécanisme européen de stabilité) et le FMI (251,5 milliards sur 321 milliards d’euros). Une annonce surprenante, alors qu’une commission parlementaire a justement été créée afin de chiffrer le montant de ces dommages. Cela montre, en tout cas, que le gouvernement Syriza n’a nullement renoncé à demander des réparations à Berlin pour un conflit vieux de 70 ans. En trois mois, Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, semble ne rien avoir appris et compris.

«Honnêtement, je trouve ça stupide», a estimé, hier Sigmar Gabriel, ministre social-démocrate de l’Economie et vice-chancelier du gouvernement. Selon lui, l’intérêt de la Grèce est de se ménager une marge de manœuvre pour résoudre ses problèmes de dette, mais «cette marge de manœuvre n’a rien à voir avec la Deuxième Guerre mondiale et le paiement de réparations».

J’ai déjà dit ici ce que je pensais de cette réclamation indigne qui renvoi à son passé un pays qui a bien plus fait que la Grèce pour se remettre en cause et tourner définitivement la page du passé.

Surtout, une telle revendication est contraire à toute la construction communautaire: Syriza oublie un peu vite à quel point la Grèce a profité de l’Union (comme tous les pays européens). Par exemple, rien qu’en fonds structurels, elle a reçu depuis 1988 environ 4 % de son PIB, des fonds payés en bonne partie par l’Allemagne, soit bien plus que le plan Marshall. Sans l’Union, où en serait la Grèce aujourd’hui? Croit-il sérieusement que si l’Allemagne avait payé ses réparations de guerre au lendemain du second conflit mondial, l’Europe serait aujourd’hui en paix et la Grèce riche? Syriza a-t-il oublié que la Grèce en est à sa troisième faillite, aucune d’elles n’étant imputable à l’étranger ? Entretenir les Grecs dans la victimisation n’est pas le meilleur service à leur rendre. Surtout, revenir à cette logique du dent pour dent, œil pour œil, c’est restaurer l’ordre ancien, celui qui a déchiré à de multiples reprises le vieux continent et l’a conduit quasiment à sa ruine et durablement à son affaiblissement politique. La Grèce croit-elle sérieusement qu’elle s’en sortirait mieux si le jeu des grandes puissances se donnait à nouveau libre cours? Car la logique des réparations de guerre, c’est la logique brutale des Etats nations où la loi du plus fort l’emporte.