Information et vérité : différencier interprétation et dogme

Publié le : 11 août 20218 mins de lecture

L’information est-elle une vérité? Comment écrire un article d’information ?

Un étudiant m’a interrogé, il y a quelques années, à propos de son mémoire de fin d’études sur le pétrole. « La question qui me vient régulièrement à l’esprit lors de mes recherches, est comment valider mes sources d’information, comment juger de la fidélité de ces informations vis a vis de la réalité.

(…) Le sujet du pétrole en lui même est propice a la manipulation de l’information, les conclusions des documents qu’on peut trouver sont extrêmement différentes, et parfois très imprégnées des fameuses théories de complot. J’ai amassé des documents dont je ne sais pas trop quoi faire. En fonction des points de vue les opinions divergent ce qui est normal, mais comment tirer de cette masse d’informations les fondements d’une réflexion personnelle mais fidèle a la réalité sur le sujet ? »

Je vous rassure : cette inquiétude est celle de tous ceux qui ont une étude à mener ou un article d’informations à écrire. Ne vous affolez pas non plus du « travail » que cela demande, les méthodes existent et je suis étonné que les professeurs ne vous les aient pas enseignées au moins une fois durant vos études. Il est vrai que l’abandon de la dissertation, la sélection intensive sur les seuls maths, le conformisme exigé aux examens, ne poussent pas à l’examen critique ni au développement rhétorique dans l’éducation nationale. C’est dommage, mais sachez que les outils d’approche de la vérité ou d’appréhension du réel existent : je les ai rencontrés.

Il est très à la mode de dire que tout égale tout, que tout le monde « il » est beau et gentil et que le relativisme général règne en tous temps et en tous lieux. Mais on ne construit nul discours, nulle relation humaine ou sociale sur l’absolument relatif (ex. je t’aime, mais attention, mon discours est de circonstance, avec des arrières pensées, tout à l’heure je ne t’aimerai plus, mais je te dirai le contraire pour ne pas que tu croies…). La vérité n’est qu’un idéal à approcher mais surtout à rechercher ; personne ne dit que le vrai sera atteint, surtout pas moi.

Il n’y a pas d’information qui soit « objective », mais je préfère qu’elle soit « honnête ». Ce qui signifie (on n’a rien inventé) qu’il faut appliquer les méthodes de l’honnêteté en vigueur dans la recherche scientifique : observer, recouper, émettre des hypothèses, raisonner logiquement, tester, garder l’esprit critique (et après tout, si une autre hypothèse était possible ?), identifier le degré de véracité des sources (qui a intérêt à quoi ?), préparer une recherche en complément, intégrer le tout dans une problématique (que voulez-vous montrer ?).

Pour cela, nous devons faire confiance aux méthodes éprouvées :

  • précision des mots (dictionnaire),
  • rigueur logique (attention aux sophismes),
  • clarté de l’exposition (ce qui se conçoit bien s’énonce clairement),
  • distinction entre les sources et les spéculations, les éléments de vérification (nom et position des interlocuteurs, bibliographie, sources web).

Cela demande du travail et l’époque aime à croire au tout cuit tout de suite, au spontané innocemment révélateur. C’est du rousseauisme vaguement écolo, très tendance, mais inadapté à la rigueur et à la probité de qui veut approcher la vérité (d’où le zapping permanent des médias qui trouve l’émotionnel plus facile).

Dans votre étude, vous devez distinguer :

  1. les faits qui, vérifiés, deviennent « vrais »,
  2. des spéculations qui sont des hypothèses plausibles ou non (à vous de les soumettre à critique ou de les opposer l’une à l’autre),
  3. et des dérapages qui tordent les faits en raison de dispositions psychologiques particulières.

Par exemple, le Club de Rome en 1972 énonçait

  • des faits « vrais » (l’épuisement inévitable des ressources naturelles à terme),
  • des spéculations (si l’on poursuit l’industrialisation au même rythme, on peut calculer approximativement la date où la consommation dépassera le niveau des réserves exploitables),
  • enfin des dérapages (il reste à peine de 20 à 50 ans, au secours la planète, rien ne va plus).

Saisissez-vous la nuance entre ces trois niveaux ?

Il est nécessaire de faire une différence entre une connaissance et une ignorance, entre une interprétation sujette à débat et à vérification et un dogme asséné sans preuve ou un mensonge, et entre un délire et une démonstration. Par exemple, le recours au Complot n’est pas une modalité de la vérité mais une déviation du raisonnement pour des motifs qui ne résident pas dans l’objet de l’information mais dans la psychologie de l’interprète. Pour le sophiste, rien n’est vrai ; pour le sceptique, rien n’est certain. Le premier pourra justifier de n’importe quoi ; le second sera soumis par tous à vérification (l’anglicisme « falsification » de Popper). « Approfondissement et ratures », disait Pascal de la recherche de vérité, « essais et erreurs », disons-nous aujourd’hui de la méthode expérimentale en usage dans les sciences. Vous n’avez pas à rechercher des vérités platoniciennes, valables de toute éternité, mais des vérités partielles et révisables, ce que nous appelons des « faits établis » – et que les historiens comme les physiciens rétablissent régulièrement (la biologie de Darwin est vraie, mais partiellement : hasard et nécessité se combinent dialectiquement à tous niveaux, de la cellule à l’environnement).

Établir les faits, élaborer des hypothèses par la critique des interprétations (qui demande recul et compréhension), cerner les dérapages, telles sont les étapes de votre démarche. L’angle que vous choisirez de démontrer ne sera pas « vérité révélée » (sauf si Gabriel alias Djibril vient vous souffler dans l’oreille) mais un point de vue. Faites en sorte qu’il soit le plus global possible, qu’il intègre le plus de données vérifiables, qu’il fasse la part des choses et prenne du recul. Quand vous ne pouvez trancher entre les hypothèses, exposez-les, critiquez-les et faites le constat que vous ne pouvez les départager. Ou élaborez des scénarios : si… alors, mais si autrement… alors autrement.

Exposez surtout votre démarche, le résultat de votre recherche importe peu car il sera provisoire. Seule la méthode pour parvenir à établir les faits et à formuler des hypothèses qui en rendent compte importe.

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