
La construction du film est classique et suit le sempiternel modèle pyramidal : à la première partie, l'espoir et à la seconde, l'échec, la répression et la violence.
L’anachronisme est revendiqué par le cinéaste, qui a choisi le prisme des mass-médias pour relater cet évènement. Sauf que l'on se rend compte assez rapidement que ce parti pris n'éclaire pas la Commune. Et après la première partie, il devient évident que la Commune n'est pas/plus l'objet du film. De la même manière, l'histoire de la Commune n'éclaire pas la question des mass-médias, les deux évènements ne se répondent pas et du coup le film ne parvient à traiter ni l'un ni l'autre.
Car les réflexions sur les médias restent succinctes, au mieux il y a l'idée qu'ils sont soit du côté du pouvoir soit du côté du peuple, sans en chercher les causes. Quelques scènes dans la première partie montrent une tentative de réflexion sur le travail des médias, y compris ceux proche du peuple. On voit alors le travail des journalistes dans la rue, puis leur rendu à la télévision. Dans une scène que j'ai trouvé particulièrement intéressante, le peuple se regarde à la télévision, tel qu'il est présenté par ceux qui semble le défendre. Malheureusement le procédé disparaît et avec lui toute réflexion sur le journalisme (à moins de considérer que la seule scène de désaccord entre les deux journalistes sur l'instauration du Comité de Salut Public vaut en lui seul réflexion).
La question des mass-médias et celle de la Commune presque évacués du film, restent alors les propos sur l'engagement militant. Suivent donc plusieurs scènes dans lesquelles des hommes et des femmes posent le problème de cet engagement dans nos sociétés actuelles. Avec une attitude compréhensive à leur égard, on peut éventuellement y voir l'évocation des débats qui secouaient les communards en 1871. Mais par manque de clarté dans la réflexion, le film se fait écraser par les propos des comédiens, qui très vite parce qu'ils ont eux-même fait des recherches sur le personnage qu'ils interprètent (et probablement aussi parce que ce sont des non-professionnels) font le parallèle entre leur vécu et celui des communards, parallèle souvent limités dans leur réflexion et leur porté (nous aussi on souffre dans nos villes comme les communards). Des amalgames sont faits (on compare les Algériens présents dans les rangs des communards avec les sans-papiers), des questions superficielles sont posées aux acteurs ("et vous, vous y seriez allé sur les barricades pour défendre la Commune ?"), autant de procédés qui finissent par rendre tout le propos sur la Commune et sur les médias complètement superficiel. Seule parole intelligible dans ce flot de propos bienveillants, "On ne se révolte plus maintenant parce qu'on s'est fait bouffer par le confort". Eh oui, les choses ont un peu changé depuis la Commune, les problèmes ne sont pas tout à fait les mêmes. Le télescopage chronologique qui aurait pu être une bonne idée vient tout écraser, tout mélanger, et n'éclaire ni l'évènement de la Commune ni notre époque en versant, au final, dans le cliché ou la platitude.
Le tout se poursuit dans un flot bruyant, d'une platitude extrême sur le temps présent et en quoi la Commune peut l’éclairer. On assiste alors à des professions de foi aussi spontanées qu'éphémères, aussi touchantes que vaines, et si peu pertinentes qu'elles sont du pain-béni à ceux qui fustigent ces "gauchistes" idéalistes et hystériques. Avec l'arrivée des troupes versaillaises le calme revient et il est intéressant de constater que si le film à travers le prisme de la télévision communard a montré avec complaisance la violence de la foule envers les traîtres (la scène de lynchage), il ne filme pas la violence des Versaillais. Dans les pelotons d'exécutions, les troupes tirent dans le vide, et les communards apparaissent enfin calmés, comme des enfants alignés contre un mur attendant leur punition. Que dire d'un tel procédé ?
Le film finit par verser dans les images les plus courantes sur les révolutions : le peuple braillard, le peuple violent, qui ne retrouve son calme qu'au prix d'une autorité forte. A force de laisser-aller, d'un propos mal maîtrisé, il ne reste de ce film que ces images (ce qui est intéressant quand on sait que le parti-pris du film était de dénoncer le rôle des médias alors qu'il en fait finalement le jeu). Le fond est écrasé par la forme visuelle (le monoforme, sorte de contre Dogme95) qui, si elle semble intéressante et innovante au début, rencontre rapidement ses limites en ne laissant à l'esprit que ces visages convulsés par la colère, par le désespoir, par le désir de violence. De même la focale choisie au début de s'intéresser à une cour du XIe et à ses habitants ne convainc tant le film ne parvient pas à respecter son propre argument tout en cherchant à le faire, ce qui, au final, nuit à son propos, ne permettant ni de comprendre réellement ces communards ni l'évènement dans son ensemble.
De fait, ce film est un superbe film raté. On aurait aimé l'aimer, on a été très déçus.