La Grèce de nouveau au bord du chaos

Surtout, la perspective d’élections législatives anticipées fin janvier, 18 mois avant le terme normal de la législature, est devenue plus que probable, la majorité actuelle n’ayant pas le nombre de voix nécessaire pour faire élire un nouveau président de la République. Ce qui devrait amener au pouvoir la gauche radicale de Syriza, un épouvantail tant pour les autorités européennes que pour les marchés. Résultat : depuis 15 jours, les taux d’intérêt de la dette publique grecque ont flambé (à près de 9 % sur l’obligation à 10 ans) et la bourse d’Athènes s’est effondrée (- 20 % en quelques séances, du jamais vu depuis le krach de 1987…).  Devant ce retour des incertitudes, les capitaux commencent à quitter la Grèce, ce qui menace la stabilité des banques : « la liquidité diminue, on se rapproche de dommages irréparables pour l’économie grecque », a mis en garde dimanche le gouverneur de la Banque de Grèce et ancien ministre des Finances, Yannis Stournaras.

« Pourtant, tout s’annonçait plutôt bien », explique un diplomate européen en poste à Athènes : « après six ans de récession, 2014 s’achève avec une croissance de 0,6 % et on attend 2,9 % en 2015, le plus fort taux de la zone euro. Le chômage a connu une légère décrue et pour la deuxième année, il y aura un excédent budgétaire de 3 % du PIB hors service de la dette !» Mais, Antonis Samaras, le Premier ministre conservateur à la tête d’une coalition avec les socialistes du PASOK, a multiplié les erreurs politiques depuis l’été : « il a crié victoire trop vite en assurant dès cet été qu’à la fin de l’année la Troïka, si honnie en Grèce, serait partie et que le pays serait à nouveau maître de son destin », poursuit ce même diplomate. « Résultat : il a cru qu’il pouvait arrêter de faire des réformes et refaire de la politique locale comme avant ».

En juin, au lendemain des élections européennes remportées par Syriza (gauche radicale), devenu depuis 2012 le principal parti d’opposition, Samaras a viré cinq ministres réformateurs (dont celui de la santé, Adonis Georgianis, très apprécié des bailleurs internationaux pour son professionnalisme) pour les remplacer par « des incompétents populistes de la Nouvelle Démocratie dont le rôle principal est d’occuper les plateaux de télévision pour tenir pièce à Syrisa », comme le dénonce un fonctionnaire européen en poste dans la capitale grecque. Il ne s’arrête pas en si bon chemin et obtient le départ du secrétaire général chargé des recettes fiscales, Harry Theoharis, un poste théoriquement indépendant créé à la demande de la Troïka afin de couper le cordon ombilical entre le fisc et les politiques. Celui-ci, éduqué en Grande-Bretagne, n’a pas manqué de faire savoir  à Athènes et ailleurs, y compris sur Twitter, qu’il avait été victime de Samaras qui n’avait pas apprécié qu’il s’intéresse de trop près à ses amis… L’image de « réformateur » du Premier ministre grec est sortie, suite à ce mouvement de personnel, fortement écorné, tant auprès des autorités européennes que des marchés.

Surtout que, dans le même temps, Samaras a refusé les nouvelles mesures d’austérité exigées par la Troïka, même si ce n’est pas forcément à tort. « Les idéologues du FMI qui se montrent de plus en plus durs en exigeant toujours davantage de coupes dans le budget alors que ça n’est plus supportable par le peuple et qu’ils ne veulent pas comprendre qu’il n’y a plus de majorité politique au Parlement grec, la Vouli, pour les voter », s’énerve un fonctionnaire européen : « ils feraient mieux de se concentrer sur la réforme de l’appareil d’État au lieu d’exiger une réforme des retraites dans les cinq mois, ce qui est impossible pour n’importe quel pays, ou qu’on libéralise les licenciements collectifs alors que tout le monde a été licencié ! » « Il y a désormais une forte divergence sur le traitement de la Grèce entre d’un côté la Commission, de l’autre le FMI et la BCE », reconnaît une source de haut niveau.

De fait, à Bruxelles on a conscience que la dette grecque (détenue, pour les trois quarts, par les Etats de la zone euro, la BCE  et le Mécanisme européen de stabilité) se situe à un niveau insupportable (177 % du PIB) et qu’elle oblige la Grèce à « consacrer 5 % de son PIB au service de la dette », m’explique George Stathakis, donné comme futur ministre des Finances d’un gouvernement Syriza : « au maximum, on devrait y consacrer 2 %, un niveau que les marchés trouvent normal ». Mais alléger la dette est plus simple à dire qu’à faire, compte tenu de la rigidité de Berlin sur le sujet. Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, qui s’est rendu lundi et mardi à Athènes, estime néanmoins qu’il va falloir trouver une solution pour sortir définitivement la Grèce de l’ornière tout en la poussant à continuer les réformes. « Moscovici refuse de jouer les demis de fermeture : il est là pour donner des signes d’ouverture et essayer de trouver des solutions », dit-on dans son entourage. L’idée de la Commission serait que la Grèce s’engage d’elle-même sur un paquet de réformes, « ce qui serait moins intrusif que la Troïka », « centré sur la réforme de l’État ». En échange, la zone euro s’engagerait à alléger la dette du pays au fur et à mesure de leur mise en œuvre. Une sorte « d’haircut » par consentement mutuel.

La première phase de ce programme a été mise en œuvre,  le 5 mai, lorsque l’Eurogroupe a accepté un « agenda de croissance » présenté par le gouvernement grec en lui demandant, pour septembre, un « plan d’action » doté de délais précis. Mais, et c’est sans doute l’erreur la plus grave commise par Samaras, il n’a rien présenté, ni en septembre, ni en octobre, ni en novembre, donnant le sentiment que « décidément, les Grecs sont incapables de tenir parole et, qu’une fois la Troïka partie, tout recommencerait comme avant », explique une source haut placée. Une analyse qu’ont immédiatement faite les marchés en se désengageant du marché grec : « le bordel actuel a été créé par Samaras, peut-être intentionnellement afin de savonner la planche de Syriza conscient qu’il devrait sans doute convoquer des élections législatives anticipées pour le début de l’année 2015 ».

Depuis le ton est monté entre Alexis Tsipras et Antonis Samaras, le premier accusant le second de « mettre en scène une fuite des capitaux » afin d’attiser la peur des électeurs. Il a rencontré George Provopoulos, l’ancien gouverneur de la Banque centrale qu’il avait pourtant traîné dans la boue au plus fort de la crise, afin de lui demander des conseils pour éviter une fuite des capitaux et éviter un écroulement du système bancaire. « Nous continuerons les réformes », promet Stathakis, « mais des réformes qui ne détruiront pas la société grecque. Il n’est pas question de sortir du programme de façon anticipeé : nous nous mettrons d’accord sur des buts à remplir, mais il faut sortir du chantage permanent de nos alliés de l’Union européenne ».

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