La leçon d’ouverture de Jean-Paul II : n’ayez pas peur !

Publié le : 08 octobre 201813 mins de lecture

« Aujourd’hui, si souvent l’homme ignore ce qu’il porte au-dedans de lui, dans les profondeurs de son esprit et de son cœur. Si souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute qui se transforme en désespoir. » (22 octobre 1978).

Il y a exactement dix ans, le samedi 2 avril 2005, le pape Jean-Paul II s’est éteint dans la douleur de la maladie, quelques heures avant Pâques.

L’homme, sa personnalité, son œuvre, son symbole ont fait qu’il a considérablement marqué le monde de la fin de la guerre froide (il a été élu pape un an avant l’invasion de l’Afghanistan par les armées soviétiques). Premier pape polonais, à la fois anti-nazi et anticommuniste, il a su redonner de la force morale à ceux qui luttaient pour les libertés les plus élémentaires.

Un destin exceptionnel

Revenons très succinctement sur sa trajectoire.

Karol Wojtyla est né le 18 mai 1920 près de Cracovie. Acteur et auteur de théâtre en amateur dans sa jeunesse, il jouait clandestinement contre l’occupant nazi pendant la guerre. Il fit ensuite des études au séminaire clandestin de Cracovie à partir d’octobre 1942 (il travaillait comme ouvrier le jour et étudiait le soir) et fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946 à 26 ans par l’archevêque de Cracovie (depuis le 17 décembre 1911) Adam Stefan Sapieha (1867-1951) qui fut créé cardinal par le pape Pie XII le 18 février 1946.

Il continua ses études de théologie à Rome jusqu’au doctorat de théologie en 1948 avec une thèse sur la foi dans la pensée de saint Jean de la Croix, et il partit voyager un peu partout en Europe, ce qui lui a permis d’être polyglotte et de connaître la situation des prêtres-ouvriers (l’une de ses premières encycliques, « Laborem Exercens », le 14 septembre 1981, fut pour rappeler que le travail était plus important que le capital). Après la mort du cardinal Adam Stefan Sapieha (le 23 juillet 1951), l’archevêque de Lvov Eugeniusz Baziak (1890-1962) fut nommé administrateur apostolique de l’archevêché de Cracovie. C’est lui qui recommanda Karol Wojtyla auprès de Pie XII pour le nommer évêque sans consulter le cardinal Stefan Wyszynski (1901-1981), archevêque de Varsovie et primat de Pologne, qui avait été incarcéré puis placé en résidence surveillée par le pouvoir communiste entre le 25 septembre 1953 et le 26 octobre 1956.

Son sacerdoce ne l’empêcha pas de pratiquer du sport (canoë, natation, ski, etc.). Il prépara également un doctorat de philosophie sur l’amour (en particulier l’amour conjugal) qu’il a soutenu en 1953. En 1954, il fut nommé professeur d’éthique à l’Université catholique de Lublin. Pie XII le nomma évêque auxiliaire de Cracovie le 28 septembre 1958, il avait alors 38 ans et fut le plus jeune évêque de Pologne. Succédant à Adam Stefan Sapieha et à Eugeniusz Baziak, il fut nommé archevêque de Cracovie le 13 janvier 1964 (à 43 ans), puis créé cardinal le 26 juin 1967 (à 47 ans) par le pape Paul VI. Là encore, il fut le plus jeune cardinal.

Karol Wojtyla fut ensuite élu pape le 16 octobre 1978 (à 58 ans) sous le nom de Jean-Paul II. À l’origine, il avait songé se faire appeler Stanislas et finalement, il a préféré rester dans la continuité de ses trois prédécesseurs pour pérenniser le Concile Vatican II dont il fut l’un des acteurs les plus entreprenants. Au conclave, il fut le « troisième homme » pour départager deux cardinaux italiens qui n’avaient pas réussi à recueillir de majorité, l’archevêque de Gênes Giuseppe Siri (1906-1989), le favori, et l’archevêque de Florence, Giovanni Benelli (1921-1982), proche de Jean-Paul Ier. Jean-Paul II fut le troisième plus « long » pape de toute l’histoire de l’Église catholique, pendant vingt-six ans, cinq mois et dix-huit jours, juste derrière saint Pierre (le premier pape « sur cette pierre, je bâtirai… », pendant trente-quatre ou trente-sept ans selon les documents) et Pie IX (trente et un ans, sept mois et vingt-trois jours).

Pour accentuer le caractère universel de sa mission et pour permettre à tous les fidèles de voir le pape, Jean-Paul II multiplia les voyages à l’étranger, 104 voyages hors d’Italie ; il visita 129 pays (en particulier la France, la Pologne et les États-Unis, trois pays les plus visités), 614 villes, rencontra plus d’un demi-milliard d’êtres humains, a parcouru l’équivalent de 28 fois le tour du monde (plus d’un million de kilomètres), s’exprimant en des dizaines de langues, créa de grands rassemblements parfois de plusieurs millions de personnes (notamment les Journées mondiales de la jeunesse).

Durant son pontificat, il a prononcé 20 351 discours correspondant à plus de 80 000 pages, et a écrit 14 encycliques dont les plus importantes sont : « Redemptor Homonis » sur la dignité humaine (le 4 mars 1979), « Sollicitudo Rei Socialis » sur la doctrine sociale (le 19 février 1988), « Centesimus Annus » à l’occasion du centenaire de l’encyclique « Rerum Novarum » (le 1er mai 1991), « Evangelium vitae » sur l’inviolabilité de la vie humaine (le 25 mars 1995) et « Fides et Ratio » sur la complémentarité de la foi et de la raison (le 14 septembre 1998).

Au Vatican, il s’attacha à renforcer l’engagement social de l’Église et à défendre la dignité et les droits humains, y compris en combattant la peine de mort aux États-Unis. Cela l’a amené à s’opposer à tous les totalitarismes et idéologies qui ont menacé la dignité humaine, en particulier le nazisme et le communisme, et a dénoncé régulièrement les dérives du matérialisme, du libéralisme et du capitalisme qui ne placent pas l’humain au centre de toutes les attentions. Il a également « modernisé » la pensée de l’Église sur les questions scientifiques en reconnaissant l’erreur de la condamnation de Galilée par une repentance le 31 octobre 1992.

Jean-Paul II est mort le 2 avril 2005, fut béatifié le 1er mai 2011 par le pape Benoît XVI et canonisé le 27 avril 2014 par le pape François (sa fête est le 22 octobre, date du début de son pontificat).

Voilà très rapidement pour sa trajectoire hors du commun.
Je voulais m’attarder sur seulement deux idées qui me paraissent importantes dans le monde d’aujourd’hui.

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N’ayez pas peur !

Dès les premières minutes de son pontificat, Jean-Paul II a martelé une parole qui résonne encore aujourd’hui : « N’ayez pas peur ! ».

Ses mots précisément furent ceux-ci : « Aidez le pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec la puissance du Christ, servir l’homme et l’humanité entière ! N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et luis seul le sait ! Aujourd’hui, si souvent l’homme ignore ce qu’il porte au-dedans de lui, dans les profondeurs de son esprit et de son cœur. Si souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute qui se transforme en désespoir. Permettez donc, je vous prie, je vous implore avec humilité et confiance, permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle ! » (Homélie lors de la messe de son intronisation au Vatican, le 22 octobre 1978).

Or, ses paroles sont, trente-six ans plus tard, plus que jamais d’actualité. On peut évidemment retirer l’évocation du Christ qui ne parle qu’aux croyants mais l’essentiel est dit : la société actuelle est en proie au doute, à un grand manque de confiance en elle, en ses capacités, en son identité, si bien que de nombreuses forces de repli sur elle-même se développent, sont puissantes, même électoralement.

C’est d’ailleurs le réel clivage politique en France face à la mondialisation des échanges, entre ceux qui, réalistes et pragmatiques (cela ne veut pas dire qu’ils s’en réjouissent), prennent note de ce mouvement mondial qu’ils ne peuvent pas stopper mais croient encore en leurs capacités de réagir et d’exceller, et ceux qui, minés par le doute, parfois de manière très justifiée parce que touchés de plein fouet par la crise économique (chômage, paupérisation, etc.), sont tentés par les sirènes du repli qui, pourtant, n’apporteraient aucune solution concrète pour améliorer leur situation (l’analyse des besoins en consommation nécessite l’ouverture des frontières).

La réponse très clairvoyante du pape qui venait juste d’être élu, à une époque où le monde politique et économique était particulièrement fermé, c’était justement de dire : « N’ayez pas peur ! » dans le sens « N’ayez pas peur de vous ! Croyez en vous ! »… On pourrait même ajouter l’idée : « Aide-toi et le ciel t’aidera ! » même si le problème serait plutôt de savoir que l’on pourrait s’aider soi-même parce que l’on en aurait les moyens.

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Une fin de vie diversement ressentie

Les dernières années de la vie de Jean-Paul II furent particulièrement tragiques en raison de la progression de sa maladie. Terrible contraste avec justement 1978 et son début de pontificat, l’un des papes les plus jeunes et les plus sportifs de l’histoire, capable, même une fois pape, de faire du ski ou de la natation, ancien acteur de théâtre, au comportement moderne et contemporain, voyageur, pasteur allant à la rencontre des autres.

Pendant une dizaine d’années, il a terriblement souffert et la charge papale a été très lourde à porter. On lui avait proposé de prendre la décision historique de renoncer, de « démissionner » mais Jean-Paul II a toujours refusé en s’en remettant à Dieu, en se disant qu’il s’arrêterait lorsque le jour serait venu et pas avant. Notons d’ailleurs qu’il n’y a pas eu d’acharnement médical à son égard puisque de sa propre volonté, il avait refusé les derniers soins pour le maintenir en vie.

C’est son successeur, Benoît XVI, qui n’avait pas vocation à devenir pape (il avait failli refuser lors de son élection), qui a finalement franchi le pas historique de la renonciation pour raison de santé et de grand âge. Un précédent dont il a avoué lui-même qu’il n’avait pas mesuré toutes les conséquences historiques (mais il était trop épuisé) et qui va profiter à tous ses successeurs, et en premier lieu au pape François élu il y a deux ans et qui a déjà indiqué qu’il n’hésiterait pas à arrêter lorsqu’il se sentirait trop fatigué.

Monstre sacré du XXe siècle

Jean-Paul II est sans nul doute l’une des personnalités historiques qui a le plus compté au siècle dernier, moralement et socialement, voire politiquement, puisqu’on lui impute aussi la chute de l’empire soviétique.

L’essentiel n’est pas dans sa béatification ni sa canonisation si ce n’est qu’il avait lui-même canonisé et béatifié de très nombreuses personnes (1 823 au total, soit plus qu’en cinq siècles), pas dans un souci de gloriole vaniteux mais pour dire au contraire que la sainteté est accessible à tous les humains, aussi modestes et humbles soient-ils, quelles que soient leur condition, laïque ou religieuse, marié ou célibataire, etc.

Dans ce monde difficile, souvent artificiel, fait de bouleversements continus qui nécessitent sans cesse des adaptations, la phrase, presque l’injonction du pape polonais reste toujours la bienvenue : n’ayez pas peur ! N’ayons pas peur !

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