L’après-Borloo au Pays du Centre (2)

L’UMP n’est pas la seule formation à jouer son avenir cet été et automne 2014 : en raison de la démission de Jean-Louis Borloo, une campagne interne démarre le 1eraoût 2014 pour la désignation du futur président de l’UDI. Seconde partie.

Dans mon article précédent, j’avais évoqué les différents candidats à la succession de Jean-Louis Borloo pour la présidence de l’UDI. Un peu plus tôt que prévu, le 23 juillet 2014, la commission nationale d’arbitrage et de transparence de l’UDI présidée par Jean-Léonce Dupont avait validé la candidature de quatre candidats : Jean-Christophe Lagarde, Hervé Morin, Yvé Jégo et Jean-Christophe Fromantin (c’est dommage qu’il n’y ait pas eu de femme pour se présenter). Comme cela pouvait être prévisible, Emmanuel Pasco-Viel n’a pas rempli toutes les conditions nécessaires à cette validation, à savoir le parrainage de cinq cents adhérents à jour de cotisation répartis dans au moins dix départements.

La campagne interne se terminera le 7 octobre 2014, le premier tour en vote par correspondance aura lieu du mercredi 8 au mardi 14 octobre 2014 et un éventuel second tour aura lieu du jeudi 30 octobre au mercredi 5 novembre 2014. La prise de fonction aura lieu au cours d’un congrès convoqué pour le 15 novembre 2014.

Je reviendrai bien sûr dans les semaines à venir sur cette élection interne qui me paraît aussi cruciale que celle qui se déroulera à peu près à la même période au sein de l’UMP.

Ce qui va suivre ne concerne donc plus la présidence de l’UDI mais les deux autres mandats que détenait Jean-Louis Borloo et auxquels il a renoncé en avril dernier pour raison de santé. Ces deux successions-ci, à savoir député du Nord et président du Parti radical, se sont déroulées au début de l’été.

Siège de député de la 21e circonscription du Nord

C’est Laurent Degallaix (48 ans), un cadre bancaire, qui a été élu député de cette circonscription au second tour au cours d’une élection législative partielle les 22 et 29 juin 2014. Confronté au candidat FN au second tour (après l’élimination des candidats de gauche au premier tour), il a remporté le duel avec 72,1% malgré une abstention de plus de 76% : « Quand les gens voient qu’on s’intéresse à eux, quand on fait depuis vingt-cinq ans, depuis Jean-Louis Borloo, de la politique autrement, les gens ne s’égarent pas à 30-35% pour le FN. »et Laurent Degallaix n’a pas hésité à visiter dès le lendemain de son élection les quartiers ayant voté le plus pour son adversaire du FN. FN versus UDI, le match pourrait séduire même au niveau national, pour en finir avec le jeu UMP versus PS.

Laurent Degallaix (qui se surnomme lui-même « bébé Borloo ») est doublement le successeur local de Jean-Louis Borloo puisqu’il a été élu maire de Valenciennes le 28 juin 2012 (succédant à Dominique Riquet qui a été réélu député européen le 25 mai 2014) et réélu sur son nom le 30 mars 2014 avec 50,3% dans une quadrangulaire (où le FN est arrivé en dernier, perdant des voix par rapport au premier tour).

Auparavant, il avait été adjoint au maire chargé de l’éducation à partir de 1995. Il est également conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais depuis le 26 mars 2010, mandat qu’il abandonnera probablement dans les semaines à venir pour être en règle avec l’interdiction du cumul des mandats.

Présidence du Parti radical

Le Parti radical est le parti le plus vieux de France, fondé le 21 juin 1901 à Paris et qui a accueilli en son sein des personnalités comme Émile Combes, Camille Pelletan, Joseph Caillaux, Édouard Herriot, Édouard Daladier, Jean Zay, Jean Moulin, Jules Jeanneney, Pierre Mendès France, Félix Gaillard, Maurice Faure, Pierre Cot, Henri Queuille, René Cassin, Edgar Faure, Jean-Jacques Servan-Schreiber, etc. …et même Michel Debré avant la création du RPF et de l’UDR (De Gaulle lui ayant dit en 1945 que c’était encore chez les radicaux qu’il y avait les meilleurs serviteurs de l’État : « Allez au Parti radical, Debré. Vous y trouverez les derniers vestiges du sens de l’État ! »).

Jean-Louis Borloo, qui était membre de l’UDF et porte-parole du candidat François Bayrou en 2002, avait rejoint l’UMP lors de sa fondation le 23 avril 2002, initiative qui lui a permis d’entrer au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin le 7 mai 2002 et de rester ministre sans discontinuer jusqu’au 13 novembre 2010 où il refusa un nouveau ministère après s’être vu évincer de Matignon.

L’intégration du Parti radical au sein de l’UMP en tant que personne morale a permis la permanence du parti sans fusion, au contraire des élus d’origine UDF centristes ou Démocratie libérale qui n’avaient plus de structure autonome en adhérant à l’UMP.

Jean-Louis Borloo fut associé à la direction du Parti radical le 11 décembre 2005 en étant élu coprésident aux côtés d’un des présidents historiques du Parti radical, à savoir André Rossinot. Le 17 novembre 2007, Jean-Louis Borloo fut élu unique président du Parti radical, mandat qu’il renouvela deux fois.

Le départ du gouvernement de Jean-Louis Borloo le 13 novembre 2010 renforça également l’autonomie du Parti radical qui a quitté l’UMP lors du 111e congrès du 15 mai 2011, congrès qui a demandé à Jean-Louis Borloo de se présenter à l’élection présidentielle de 2012 (ce qu’il n’a cependant pas fait).

Duel Laurent Hénart vs Rama Yade

Lors de la démission de Jean-Louis Borloo en avril, deux candidatures furent enregistrées pour lui succéder à la tête du Parti radical : les anciens ministres Laurent Hénart (45 ans) et Rama Yade (37 ans).

Si Rama Yade est sans doute la plus médiatique, Laurent Hénart était le candidat le plus logique au sein du Parti radical. Rama Yade était avant tout une jeune militante venue à l’UMP par l’attraction de Nicolas Sarkozy qui l’a remarquée lors de son investiture comme candidat à l’élection présidentielle le 14 janvier 2007 et qui l’a nommée au gouvernement dès son élection : Secrétaire d’État aux Droits de l’homme du 19 juin 2007 au 23 juin 2009 puis aux Sports du 23 juin 2009 au 13 novembre 2010. Elle n’a rejoint le Parti radical que le 15 décembre 2010, encouragée par Jean-Louis Borloo qui l’a bombardée première vice-présidente le 18 octobre 2011. Son seul mandat électif reste celui de conseillère régionale d’Île-de-France à partir du 21 mars 2010.

Laurent Hénart, au contraire, a poursuivi toute son existence politique au sein du Parti radical, dès 1989 où il était candidat à Nancy sur la liste municipale du maire sortant, André Rossinot (le dernier de la liste). Président fondateur des Jeunes radicaux en 1991, il fut élu au conseil municipal de Nancy à partir du 19 juin 1995, adjoint au maire à partir du 18 mars 2001 lors d’un profond rajeunissement de l’équipe municipale, chargé de la culture et de la jeunesse (il dirige depuis une dizaine d’années la réunion des opéras de France).

Élu député de Nancy de juin 2002 à juin 2012, Laurent Hénart fut nommé Secrétaire d’État à l’Insertion professionnelle des jeunes du 31 mars 2004 au 31 mai 2005, responsabilités sous la tutelle du super-ministre Jean-Louis Borloo. Le 22 mars 2009, il fut désigné comme tête de liste UMP pour les élections régionales de mars 2010 en Lorraine, rassemblant UMP, centristes et même une partie de la gauche avec le Parti radical de gauche de Jean-Michel Baylet. Enfin, malgré son échec aux législatives de juin 2012, Laurent Hénart est élu maire de Nancy le 6 avril 2014 après avoir remporté les municipales le 30 mars 2014 au second tour avec un score sans ambiguïté malgré de nombreux pronostics qui le donnaient perdant.

Par ailleurs, Laurent Hénart était depuis 2006 le secrétaire général du Parti radical (et donc, connaît bien les fédérations et les adhérents) et depuis 2012, a assuré la présidence par intérim de son parti à partir du 6 avril 2014, et il préside l’Union des radicaux, centristes, indépendants et démocrates (URCID) qu’il a fondée en mai 2012 pour obtenir un financement public autonome des candidats radicaux et des centristes proches des radicaux.

Un résultat incontestable

La campagne interne qui s’est déroulée chez les radicaux n’a pas été très loyale dans la mesure où Rama Yade, bénéficiant de la bonne couverture des médias nationaux, a diffusé beaucoup d’informations erronées sur la manière dont l’élection a été organisée, remettant en cause, bien après coup, l’adhésion de certaines personnes et ne jouant pas le jeu du débat des idées et de la vision pour l’avenir.

Rama Yade a aussi mis en cause son rival sur l’alliance des centristes avec François Bayrou, alliance qui paraît pourtant nécessaire si les centristes veulent faire entendre leur voix dans un contexte politique largement dominé par les extrêmes (ce qui fut le cas aux européennes avec près de 10% des voix).

Les adhérents du Parti radical ont voté par Internet du 16 au 22 juin 2014 (chaque adhérent à jour de cotisation ayant reçu un code spécial pour l’occasion). Ce genre de vote interne, comme celui à l’UDI ou à l’UMP, est intéressant pour connaître la réalité du nombre d’adhérents inscrits, et surtout, des actifs, ceux qui se sont mobilisés (c’est plus difficile de tricher sur le nombre de cotisations avec une élection ouverte, cela a déjà pu s’observer lors du vote à l’UMP le 18 novembre 2012).

Ainsi, au Parti radical, sur 6 596 inscrits (ce qui devrait faire que le Parti radical est, sauf erreur de ma part, le plus important de toute l’UDI), 4 556 ont voté et 4 507 se sont exprimés (hors blancs).

La proclamation des résultats a eu lieu le 22 juin 2014 par Xavier Roux, le président de la commission permanente de contrôle, et le constitutionnaliste Didier Maus, membre de cette commission : Laurent Hénart est largement élu avec 2 764 voix (soit 61,3%) contre Rama Yade qui a obtenu 1 743 voix.

La première réaction de Rama Yade a été de vouloir contester juridiquement sa défaite mais elle ne semble pas être allée plus loin dans cette démarche. Laurent Hénart a été officiellement « intronisé » au cours du 114e congrès du 5 juillet 2014 à Paris : « Ce débat [est]d’abord celui de l’unité et du rassemblement. dans un parti, le renouvellement de l’exécutif s’accompagne nécessairement de débats passionnés, qui peuvent parfois être rudes. Ce moment est derrière nous. Dès l’annonce des résultats, j’ai félicité Rama Yade pour son score, l’invitant à contribuer au rassemblement de notre famille politique. » (Laurent Hénart le 23 juin 2014).

Laurent Hénart

L’année 2014 a donc été une année de double consécration pour Laurent Hénart, en devenant, élu sur son propre nom, maire de Nancy (le maire de la plus grande ville radicale) et maintenant, président du Parti radical. Son maître mot, l’indépendance : « Une indépendance au service de la défense de nos quatre fondamentaux, que j’ai servis depuis mon arrivée au parti en 1988 : humanisme, justice sociale, laïcité, Europe politique. ».

Laurent Hénart est aussi, triplement, l’héritier complet d’André Rossinot (75 ans), ancien ministre sous les deux premières cohabitations (Relations avec le Parlement et Fonction publique), qui fut président du Parti radical de 1983 à 1988, de 1993 à 1997 et de 2003 à 2007, ainsi que maire de Nancy, le maire à la plus grande longévité depuis plus de deux siècles (avec trente et un ans de mandat), du 12 mars 1983 au 6 avril 2014.

Élu député de Nancy de mars 1978 à juin 1997, André Rossinot avait échoué de justesse en juin 1997, et avait renoncé à un siège de parlementaire pour ne se consacrer qu’à sa ville (il a ainsi refusé de se présenter aux sénatoriales de 2001 et aux européennes de 1999 pour regagner un siège), laissant à Laurent Hénart la mission de reconquérir sa circonscription nancéienne en juin 2002. Comme ce fut le cas pour Pierre Mauroy à Lille laissée à Martine Aubry, André Rossinot dirige encore pour six ans la Communauté urbaine de Nancy dont il est président depuis mars 2001 (après avoir présidé le district de Nancy de 1989 à 1992).

Les radicaux au sein de l’UDI

N’étant pas lui-même candidat à la présidence de l’UDI, Laurent Hénart a adressé, en tant que président du Parti radical, un courrier le 31 juillet 2014 aux quatre candidats à la présidence de l’UDI pour s’engager sur un certain nombre de sujets, en particulier sur l’indépendance de l’UDI et sa capacité à présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2017, ainsi que sur l’autonomie du Parti radical au sein de l’UDI.

Alors que Jean-Louis Borloo semble heureusement se remettre de ses ennuis de santé, l’UDI va connaître une période de discussions internes qui seront certainement « chaudes » et « intenses » d’ici le milieu de l’automne. Quel que soit le programme proposé, qui devrait être à peu près le même pour tous les candidats (autonomie du centre, pas d’alliance avec la gauche et pas d’alliance avec l’extrême droite), ce qui comptera, en définitive, restera la personnalité qui émergera de ces débats et sa capacité à porter haut et fort la voix d’une politique axée sur l’attention portée aux personnes et sur l’idéal européen…

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