Le souverainisme, c’est le déclinisme !

Publié le : 01 octobre 201813 mins de lecture

« Il n’y a pas d’autre solution qu’une Europe forte pour garantir notre propre souveraineté. » (François Hollande, Strasbourg le 7 octobre 2015).

Cela devait être une séance historique au Parlement Européen à Strasbourg. Le Président de la République française François Hollande et la Chancelière allemande Angela Merkel sont venus prononcer un discours ce mercredi 7 octobre 2015 à 15 heures devant les députés européens sur la situation européenne. Reçus par le Président du Parlement Européen Martin Schulz et par le Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, les deux chefs de l’exécutif des deux plus grands pays de l’Union Européenne ont mobilisé les médias pour un exercice peu ordinaire.

J’avais cru, en entendant l’annonce, le 21 septembre 2015, de cette double prestation, qu’il y aurait eu une initiative européenne très forte qui ferait naître un nouveau projet. En fait d’initiative, il n’y a eu que cette image symbolique de deux personnalités européennes affichant d’autant plus ouvertement leur partenariat que tout les sépare.

Deux discours surtout destinés à leurs compatriotes respectifs

Paradoxalement, Angela Merkel avait autant besoin du soutien de François Hollande que ce dernier du soutien de la première. Pour leur « opinion publique » …nationale.

C’est sûr que l’image était forte et assez rare. Déjà, le discours d’une personnalité mondiale au sein du Parlement Européen est un grand événement. Il y a eu par exemple la venue du pape François le 25 novembre 2014. François Hollande s’y était lui-même déjà rendu, seul, le 5 février 2013.

Mais un discours en binôme, c’est quasiment sans précédent. Quasiment car ce 7 octobre 2015 était un « remake ». C’était une imitation. Leurs prédécesseurs François Mitterrand et Helmut Kohl s’étaient prêté au même exercice le 22 novembre 1989, quelques jours après la chute du mur de Berlin qui allait entraîner deux événements majeurs pour le continent européen : la Réunification allemande (le 3 octobre 1990) et le Traité de Maastricht (donc la monnaie unique européenne, approuvée par le peuple français le 20 septembre 1992, rappelons-le).

Les deux discours ont été très différents l’un de l’autre.

François Hollande a parlé trente minutes et s’il a évoqué tous les sujets brûlants européens, comme la Syrie, les réfugiés, la crise grecque, la crise ukrainienne, et même le traité transatlantique, son objectif était de dire que la construction européenne était indispensable à la survie des nations européennes. Tandis que Angela Merkel, qui n’a parlé que vingt minutes, a surtout enfoncé le clou de l’accueil des réfugiés, considérant que les valeurs européennes trouvaient là une occasion d’être mises en pratique.

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François Hollande

Sur le conflit de souveraineté en Ukraine, François Hollande a surtout insisté sur l’unité : « Les Européens ont fait preuve d’unité dans la mise en œuvre de sanctions. » et s’est réjoui de la réussite du cessez-le-feu et d’une amélioration de la situation. Un sommet s’était réuni à l’Élysée le 2 octobre 2015, avec François Hollande, Angela Merkel, Vladimir Poutine et Petro Porochenko, le Président élu de l’Ukraine. Il a considéré que le report des élections locales de l’Est de l’Ukraine était une victoire sur la paix.

Sur la Syrie, il a reconnu les torts de l’Europe à ne pas avoir pris pleinement la mesure des enjeux : « Ce drame nous concerne tous (…). Nous sommes maintenant prêts à faire preuve de détermination (…). Si nous laissons la crise syrienne escalader, nous ne serons pas protégés (…). Il faut agir pour éviter une guerre totale dans la région. (…) Si nous laissons les affrontements religieux s’amplifier, ne pensons pas que nous serons à l’abri : ce sera la guerre totale (…). Nous devons construire en Syrie, avec tous ceux qui peuvent y contribuer, un avenir politique qui donne à la population syrienne une autre alternative que Bachar El-Assad ou Daech. ».

Rappelant que la Turquie accueille deux millions de réfugiés syriens, parfois dans des conditions dramatiques, François Hollande a déclaré : « Nous devons apporter une aide à la Turquie. » en faisant amende honorable : « L’Europe a été lente à comprendre que la crise dans le Moyen-Orient et en Afrique a des conséquences pour l’Union Européenne (…). Nous devons répartir les réfugiés entre les États membres. ». Il a par ailleurs souhaité « établir un régime commun d’asile ». Commun à toute l’Union Européenne.

Les phrases marquantes ont été plutôt à la fin du discours où François Hollande, contrairement à sa réputation, s’est montré très incisif sur la construction européenne. Pour lui, l’enjeu, est clair : « Le débat n’est pas entre plus d’Europe et moins d’Europe, mais entre l’affirmation de l’Europe et la fin de l’Europe. ». Le retour aux frontières nationales serait selon lui désastreux pour tous les pays.

Il a également mis en balance le souverainisme et la souveraineté : « Il n’y a pas d’autre solution qu’une Europe forte pour garantir notre propre souveraineté. ».

Reprenant la fameuse formule de François Mitterrand prononcée devant les députés européens le 17 janvier 1995 à Strasbourg (« Le nationalisme, c’est la guerre ! »), François Hollande a donné une variante des temps actuels : « Le souverainisme, c’est le déclinisme ! », fustigeant ainsi « un repli national sans avenir » : « Il y a tentation de repli national chaque fois qu’il y a une épreuve. ».

Pour résumer, François Hollande a confirmé son engagement européen (sans pour autant avancer de projet nouveau) : « Voulons-nous revenir à l’ordre ancien ou vivre dans un ensemble cohérent et volontaire ? Moi, j’ai fait mon choix, c’est celui de l’Europe. ».

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Angela Merkel

La Chancelière Angela Merkel a rappelé qu’il fallait considérer les réfugiés syriens pas comme une masse mais comme des personnes humaines qui ont droit au même respect que toute autre personne : « L’Europe est une communauté de valeurs, de droits et de responsabilités. ».

Elle a martelé que si nous méprisions ces valeurs humanistes, nous nous mépriserions nous-mêmes. Elle a avancé par ailleurs que les chances étaient plus importantes que les risques.

Elle est revenue aussi sur la crise grecque en confirmant que la résolution a pu se faire grâce à un effort franco-allemand. Elle a insisté sur la nécessité d’agir toujours dans l’unité : « Nous ne devons pas être tentés d’agir à l’échelle des États-nations. C’est précisément maintenant qu’il nous faut plus d’Europe. ».

L’épisode déplorable avec Marine Le Pen

L’interpellation de Marine Le Pen a été particulièrement pitoyable pour plusieurs raisons. D’une part, traiter le Président de la République française ainsi : « Merci, Madame Merkel, de venir avec votre Vice-Chancelier administrateur de la province France ! » est un manque de respect évident pour la fonction présidentielle à laquelle pourtant elle semblerait prétendre pour 2017. D’autre part, c’est vraiment ne pas faire preuve d’un patriotisme français très développé que de jouer dans une enceinte internationale la division entre Français avec des propos politiciens sans intérêt. On imagine mal qu’un député européen allemand puisse apostropher de la sorte Angela Merkel hors du territoire allemand. Cela montre le vrai visage de Marine Le Pen, une carriériste qui est en fait ultra-européenne car son mandat européen est son gagne-pain et son fonds de commerce depuis onze ans, qui n’aime pas vraiment son pays car elle contribue à l’affaiblissement de la France devant ses partenaires européens. Bonjour l’humiliation, bonjour le patriotisme !

Mais la réponse improvisée de François Hollande a été, elle aussi, pitoyable et affligeante : « La seule voie pour ceux qui ne sont pas convaincus de l’Europe, c’est de sortir de l’Europe. (…). La souveraineté n’a rien à voir avec le souverainisme. La souveraineté européenne, c’est être capable de décider pour nous-même, et éviter que cela ne soit le retour aux nationalismes, aux populismes, aux extrémismes qui nous imposent aujourd’hui d’aller dans un chemin que nous n’avons pas voulu. ». Tout en ajoutant : « La seule voie possible pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus de l’Europe c’est de sortir de l’Europe, (…) de l’euro, de Schengen, et même si vous pouvez, de sortir de la démocratie. ».

D’une part, fallait-il répondre à une aboyeuse sans projet constructif ? François Hollande a fait comme avec Leonarda ; il s’est abaissé à se mettre au même niveau qu’elle, c’est-à-dire d’aboyeur sans projet, lui aussi. Et sa réponse a pollué son propre discours (les journaux du soir n’ont gardé que sa joute stérile avec elle, son discours est passé à la trappe médiatique). D’autre part, sur le fond, c’est encore plus affligeant. En laissant penser qu’en voulant quitter l’Europe, les populistes voudraient aussi quitter la démocratie, il fait un amalgame foireux qui ne sert absolument pas la cause européenne car l’arrogance et l’insignifiance ont toujours été contreproductives. Ces deux personnages ont déshonoré la France dans une enceinte internationale, c’est particulièrement déplorable.

Plus symbolique qu’historique

Si aucune initiative vraiment historique n’a été proposée au cours de ces deux discours (ce qui est très décevant), le fait même que François Hollande et Angela Merkel se soient affichés ensemble et aient cru nécessaire de réaffirmer leur supposée entente dans la plupart des grands dossiers européens montre que les temps sont mouvementés, que l’arrivée massive des réfugiés syriens n’est pas anodine et qu’elle va durablement transformer l’Europe, exactement comme la fin du Rideau de fer et la réunification complète du continent européen (commencée par la libéralisation de la Pologne et terminée par la chute de l’Union Soviétique).

L’Europe doit effectivement être forte pour qu’elle survive et pour que la souveraineté de ses États membres puisse s’exercer dans un monde globalisé constitué désormais de grands ensembles économiques. Mais ce qui lui fait le plus défaut, à cette Europe, c’est l’absence de leader de dimension mondiale, l’absence de personnalité qui puisse redonner un horizon aux citoyens européens, une vision d’avenir et de construction qui lui entrouvrait un nouvel optimisme. Exactement comme en novembre 1989…

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