Réfugiés: la boîte à outils de l’UE pour endiguer l’afflux

Publié le : 02 octobre 201811 mins de lecture

Un réfugié afghan qui avait pénétré illégalement sur le territoire européen via la Turquie a été abattu par un policier bulgare dans la nuit de jeudi à vendredi. Un « tir de sommation » qui aurait mal tourné selon les autorités bulgares. C’est néanmoins la première fois qu’un réfugié trouve ainsi la mort depuis le début de la crise humanitaire à laquelle est confrontée l’Union.

Ce drame est symboliquement survenu au moment même où se terminait, à Bruxelles, un Sommet consacré aux réfugiés, le second en trois semaines : les Européens, fidèles à leurs habitudes, se sont laissé surprendre par une crise pourtant annoncée, le conflit syrien vieux de cinq ans ayant déjà chassé de chez eux 12 millions de personnes (dont 4 millions à l’extérieur de la Syrie). Dans la panique, les Vingt-huit cherchent la formule qui leur permettra à la fois de respecter leurs valeurs fondamentales en donnant asile à ceux qui y ont droit tout en limitant le nombre d’arrivée pour cause d’opinions publiques rétives.

« Ni isolement complet ni ouverture complète », a résumé Angela Merkel, la chancelière allemande, à l’issue du Conseil européen. État des lieux des solutions envisagées par des chefs d’État et de gouvernement au pied du mur.

1/ Empêcher les réfugiés d’arriver dans l’Union.

La solution idéale pour les responsables européens est que les réfugiés, comme ils l’ont fait depuis cinq ans, et comme le font 95 % des réfugiés dans le monde, restent près de leur pays d’origine. Même si c’est déjà le cas en réalité : ainsi, 96 % des Syriens ayant quitté leur pays se trouvent en Turquie, au Liban, en Jordanie, etc. L’Europe, elle, n’aurait vocation qu’à « accueillir seulement ceux qui sont dans une détresse telle qu’ils n’ont pas d’autre choix que de venir chez nous », a expliqué François Hollande, le président de la République. Cette stratégie implique une coopération des pays tiers et en particulier, d’Ankara, une grande partie des réfugiés syriens, mais aussi afghans et irakiens, qui représentent l’essentiel du flux actuel, se trouvant ou partant de son sol. Mais voilà : « Recep Tayyip Erdogan, le président turc, a flairé l’aubaine, surtout à quinze jours d’élections législatives qui s’annoncent difficiles pour lui », analyse un diplomate français. En clair : il a fixé un prix élevé à sa coopération.

Ainsi, Ankara exige une accélération de ses négociations d’adhésion à l’Union, celles-ci s’enlisant depuis dix ans. Erdogan espère que les Européens se montreront moins regardants sur les dérives de son régime : « on ne sait pas s’il est sérieux ou s’il tente de séduire la partie pro-européenne de l’électorat », commente dubitatif un diplomate européen. Surtout, il demande la suppression rapide des visas de court séjour (moins de trois mois), une promesse qui lui a été faite en 2012 à condition que la Turquie remplisse 64 conditions, parmi lesquelles la signature d’un accord de réadmission des étrangers refoulés de l’UE. Des conditions qu’il n’est pas question d’abandonner : « il ne faudrait pas qu’au prétexte de vouloir que la Turquie nous aide à retenir des réfugiés qui sont dans son pays, il y ait un mouvement de libéralisation dans n’importe quelles conditions », a martelé le chef de l’État français. Les Vingt-huit ont donc simplement convenu de faire le point au printemps 2016 pour voir si la Turquie avait enfin fait ses devoirs, c’est-à-dire endiguer le flux de réfugiés, avant de lui faire la moindre concession sur les visas. Le problème est que beaucoup de pays européens, notamment à l’Est, voient les relations internationales au prisme de la crise des réfugiés : « le court terme l’emporte sur le long terme », soupire un diplomate européen.

2/ Aider les pays tiers qui accueillent les réfugiés et les immigrés

Les Vingt-huit ont reconnu que la demande d’assistance financière turque était justifiée, l’accueil de deux millions de
réfugiés lui ayant déjà coûté entre 6 et 7 milliards d’euros : « nous sommes prêts à partager le fardeau avec la Turquie », a dit Angela Merkel. L’Union a déjà trouvé un milliard d’euros dans le budget européen et il est question de tripler la mise sans que l’on sache comment pour l’instant.

L’effort des Européens ne s’arrêtera pas à la Turquie : alors que l’Union a déjà budgété 9,2 milliards d’euros en 2015 et 2016 pour gérer la crise des réfugiés, les Etats ont promis de verser des contributions au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU et au programme alimentaire mondial (500 millions d’euros promis) ainsi qu’au fonds régional pour la Syrie (500 millions). De même, ils ont promis d’abonder un fonds pour l’Afrique (1,8 milliard) afin de fixer les immigrés économiques sur place. Pour l’instant, les Vingt-huit ne se précipitent pas pour signer des chèques : seules l’Allemagne et l’Italie ont, par exemple, abondé le fonds pour la Syrie… La France, elle, brille par sa pingrerie.

3/ Créer une « zone de sécurité » au nord de la Syrie

C’est une idée turque qui n’enthousiasme pas vraiment les Européens qui ont encore le précédent de Srebrenica en mémoire… « C’est difficile à mettre en œuvre, surtout depuis l’intervention des Russes », commente un diplomate français : il faudrait, en effet, disposer de moyens militaires conséquents, y compris au sol, pour empêcher toute incursion de Daech ou des troupes d’Al Assad. Autant dire que la « zone de sécurité » a peu de chance de voir le jour.

4/ Mieux contrôler les frontières extérieures

La crise des réfugiés a montré qu’un pays seul ne pouvait assurer le contrôle des frontières extérieures de l’Union : l’érection du mur hongrois renvoie simplement le problème ailleurs. Pour empêcher le rétablissement des frontières intérieures qui ne résoudrait rien non plus (construire un mur autour de la France est tout simplement impossible), il faut donc mutualiser leur contrôle. L’idée est de créer un « corps de garde-frontières et de garde-côtes européens », comme l’a déjà proposé à plusieurs reprises la Commission européenne, mais aussi Helmut Kohl et François Mitterrand en leur temps. La France a proposé, le 8 octobre, de procéder en deux temps afin de ménager la susceptibilité des Etats attachés à leurs prérogatives : d’abord détacher du personnel auprès Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, qui le mettra ensuite à disposition de l’Etat qui est dépassé par un afflux brutal. Et, dans un second temps, Frontex disposera d’une autorité pleine et entière pour surveiller les frontières extérieures de l’espace Schengen. Autrement dit, on passerait de l’appui à la substitution. Une proposition qui n’est pas encore actée.

5/ Répartir l’effort entre les États membres de l’UE

L’Allemagne a exigé, lors du sommet, que le mécanisme permanent de répartition du traitement des dossiers de demandeur d’asile soit rapidement adopté, ce qui a déclenché une levée de boucliers, notamment à l’Est. « Pour une raison que je ne comprends pas, les pays d’Europe centrale et orientale se sentent traités de manière injuste. Je veux comprendre pourquoi ils ont cette réaction vis-à-vis des réfugiés », s’est désolé Angela Merkel. « C’était aller trop vite », regrette un responsable français : « on vient difficilement de se mettre d’accord sur la relocalisation de 160.000 personnes pour 2015 et 2016 et le mécanisme commence à peine à fonctionner. Il faut d’abord qu’il fasse ses preuves et que les Etats constatent que les déboutés du droit d’asile sont bien reconduits à la frontière avant qu’on passe à un mécanisme permanent ». De fait, seul un « hotspot », un centre qui permet de faire un premier tri rapide entre réfugiés potentiels et migrants économiques, a été mis en place à Lampedusa et seulement 19 Érythréens ont été relocalisés en Suède… À terme, la renégociation du Règlement de Dublin, qui impose au pays de premier accueil de traiter la demande d’asile, est au programme : « le système ne fonctionne pas en cas d’afflux massif, mais on ne sait pas par quoi le remplacer », reconnaît un diplomate européen.

6 / Créer un droit d’asile européen

Le problème, comme l’a souligné la chancelière allemande, est que la reconnaissance du statut de réfugié est extrêmement variable d’un pays à l’autre, chacun ayant sa propre interprétation de la Convention de Genève. Les Vingt-huit ont admis qu’il fallait mettre en place, comme le propose depuis longtemps la Commission, un droit d’asile uniforme. Les sommets n’ont pas fini de se succéder.

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