UMP : le scalpel tranchant de Bernard Debré

Publié le : 28 août 201811 mins de lecture

Sur fond de scandales financiers et de divisions internes, l’UMP vit des heures difficiles pour se trouver dans quelques mois un nouveau président et un candidat à l’élection présidentielle de 2017 capable de convaincre la majorité des électeurs.

Dans la classe politique, il est un homme, parmi d’autres, qui n’hésite pas à dire tout haut ce qu’il pense, au risque parfois de choquer et de créer quelques polémiques, comme lors de sa réaction très dure au moment de l’arrestation rocambolesque de Dominique Strauss-Kahn à New York. Il s’agit de Bernard Debré, député du 16e arrondissement de Paris, qui va fêter dans trois mois ses 70 ans.

Son indépendance de ton n’est pas nouvelle et a une raison : la politique, ce n’est pas son métier. Il est d’abord médecin, chirurgien, spécialiste en urologie, professeur des universités à 36 ans, membre du Comité d’éthique à 42 ans, chef d’un service hospitalier à 46 ans. C’est dans son service que le Président François Mitterrand fut opéré pour
sa maladie. La médecine, c’est sa famille aussi. Son grand-père était le professeur Robert Debré (1882-1978), le célèbre fondateur de la pédiatrie moderne et inspirateur des CHU (centres hospitaliers universitaires).

Mais la politique, il l’a aussi dans la peau. C’est familial aussi. C’est un peu comme les Jeanneney ou les Joxe, les Debré sont de grands républicains. Son père Michel Debré (1912-1996) fut Ministre de la Justice qui rédigea la Constitution il y a cinquante-six ans et le premier Premier Ministre du Général De Gaulle. Son frère (faux) jumeau, Jean-Louis Debré, docteur en droit, ancien juge d’instruction, ancien Ministre de l’Intérieur, ancien Président de l’Assemblée Nationale, est l’actuel Président du Conseil Constitutionnel (jusqu’en février 2016). Et il a aussi une belle-sœur, Isabelle Debré, qui est sénatrice des Hauts-de-Seine depuis 2004 et adjointe à Vanves.

Alors que Jean-Louis Debré (son frère) était un fidèle grognard de Jacques Chirac, le suivant dans la traversée du désert balladurien et récompensé par de hautes responsabilités par la suite, Bernard Debré a toujours été un peu indiscipliné, du moins, un peu dissipé.

Député d’Indre-et-Loire de mars 1986 à décembre 1994, maire d’Amboise de décembre 1992 à mars 2001 (son père l’a aussi été de 1966 à 1989), il s’est « rapatrié » à Paris, en se faisant élire député du 16e arrondissement le 27 juin 2004 à l’occasion d’une élection partielle (et réélire par la suite deux fois) et conseiller de Paris depuis mars 2008 (il avait cherché à diriger les listes UMP à Paris à la place de Françoise de Panafieu, puis a échoué également pour être maire du 16e arrondissement). Élu UMP, il avait pris l’étiquette RPR (comme son frère) puis UDF lorsqu’il s’était retrouvé en difficulté d’investiture aux législatives de 1993.

Le Premier Ministre Édouard Balladur l’avait finalement choisi comme Ministre de la Coopération du 12 novembre 1994 au 18 mai 1995 pour remplacer Michel Roussin qui allait être mis en examen dans l’affaire des HLM de la ville de Paris (qui a finalement abouti à un non-lieu).

Auteur d’une vingtaine d’essais, sur la médecine ou sur la politique, Bernard Debré a suscité une polémique en publiant le 18 octobre 2012 avec le pneumologue Philippe Even (un médecin qui avait réfuté l’idée que le tabagisme passif était dangereux avant que des études sérieuses ne prouvassent le contraire) son « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux » (éd. Le Cherche Midi), ce qui lui a valu en 2014 une interdiction d’exercer la médecine pendant d’une année par l’Ordre des médecins.

Peut-être d’ailleurs que son tempérament à réagir à chaud lui a fait prononcer des paroles qui ont dépassé sa pensée (c’est le problème des chaînes d’information continue en surréagissant aux réactions), ce fut le cas, comme je l’ai indiqué, lors de l’affaire DSK avec des propos qu’il avait regrettés quelques jours plus tard. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’il est un invité régulier dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC.

La semaine dernière, il était l’invité de France 5 le mercredi 18 juin 2014 (un anniversaire particulier pour les gaullistes) dans une émission à moitié sérieuse à moitié people (« C à vous », émission animée par Anne-Sophie Lapix) et il a tenu des propos très durs pour son propre parti, l’UMP. Il est vrai que depuis un mois (et même bien avant), la marque UMP n’est pas facile à porter, notamment lorsqu’il rencontre ses électeurs.

Après les aveux de Jérôme Cahuzac en 2013, et avec la confession de Jérôme Lavrilleux le 26 mai 2014 sur BFM-TV, l’affaire Bygmalion est la seconde occasion, dans toute l’histoire politique de la France où un homme politique a reconnu des malversations financières. Il suffit de regarder toutes les affaires politico-financières, en particulier (nombreuses) depuis le début des années 1980 pour voir que les personnes mises en cause, voire condamnées, voire qui ont purgé une peine de prison, ont toujours soutenu leur innocence. Un moyen qui leur a permis, pour certains, de se faire réélire député ou maire même après une condamnation définitive, une fois la peine purgée.

Il faut dire que les déclarations du directeur de cabinet de Jean-François Copé à la présidence de l’UMP et de l’ancien directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ont eu de quoi être explosives au sein même de l’UMP.

Le député du 16e arrondissement était d’ailleurs très gêné vis-à-vis de ses proches car il avaitncontribué et fait contribuer en été 2013 à renflouer les caisses de l’UMP (Sarkothon) alors que c’était son propre frère qui, au Conseil Constitutionnel, avait invalidé les comptes de compagne de Nicolas Sarkozy et que l’UMP aurait payé de nombreuses factures pour le compte du candidat Nicolas Sarkozy.

Bernard Debré a évidemment constaté que tout le débat politique était pollué, inévitablement, par les affaires financières et il a donc demandé à ses collègues de l’UMP d’assainir franchement la situation : « [Il] faut aller jusqu’au bout des révélations et au bout des enquêtes. ». Et de conclure de manière assez impérative : « Ca suffit, qu’on tourne la page ! ».

En clair, il a proposé avec sa subtilité de chirurgien qu’il fallait trancher au scalpel cette affaire et enlever les « branches mortes ». En citant explicitement les personnes : selon lui, il faut que Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, qui sont tous les deux touchés par la dernière affaire, disent tout de suite qu’ils se retirent de la politique, qu’ils n’ont plus de perspective pour 2017 pour rendre l’atmosphère de l‘UMP plus sereine et séparer une affaire financière qui va rebondir toutes les semaines des discussions politiques. Pour Nicolas Sarkozy, il a été assez clair : « [Il] ne peut pas se présenter aux primaires. ». On n’est pas très éloigné du fameux : « Qu’ils s’en aillent tous ! » de Jean-Luc Mélenchon (du titre du livre qu’il a publié le 10 octobre 2010 chez Flammarion).

Au lendemain de la garde à vue de Jérôme Lavrilleux, Bernard Debré venait de réagir à la publication, dans Mediapart le 18 juin 2014, des détails de facturation de Bygmalion pour l’UMP et les meetings de Nicolas Sarkozy, où toute la justice devra faire la part des surfacturations (donc, enrichissement d’une manière ou d’une autre) et des fausses factures (ventilation volontairement trompeuse pour ne pas dépasser le plafond des dépenses de campagne).

Le 18 juin 2014 aussi, « Le Figaro » a reproduit un SMS de Jérôme Lavrilleux de 2012 qui indiquerait que, contrairement à ce qui était affirmé, Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy auraient bien été au courant des dépenses excessives de la campagne 2012.

Entre parenthèses, c’est aussi le même jour que « Le Canard enchaîné » a indiqué les conditions de la désignation de Jacques Toubon : pour la succession de Dominique Baudis au poste de Défenseur des droits, le Président François Hollande avait d’abord songé à Jean-Louis Borloo puis à Christiane Taubira, les deux ayant décliné l’offre, et avait aussi songé à l’ancien ministre Xavier Darcos avant de finalement l’exclure de sa réflexion, alors que l’ancienne ministre socialiste Delphine Batho y aurait bien vu Rama Yade (RFI le 19 juin 2014).

Cette semaine, le maire de Bordeaux Alain Juppé, l’un des trois coprésidents provisoires de l’UMP avec François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, n’a pas dit autre chose que Bernard Debré.

En effet, Alain Juppé, qui, deux jours plus tard, n’a pas exclu d’être candidat à la primaire de l’UMP pour l’élection présidentielle de 2017 (il s’est même déclaré prêt), a alerté le 23 juin 2014 à Bordeaux les membres de l’UMP de la menace qui les guettait : « Sauver l’UMP, ce n’est pas gagné. L’UMP est en danger bien entendu, en danger financier et en danger aussi politique avec l’accumulation des scandales. » et il a espéré que l’élection en novembre 2014 d’un nouveau président de l’UMP permettrait un « rebond ».

Il est clair que l’UMP à trois ans de l’élection présidentielle se retrouve dans une situation plus difficile encore que le PS en été 2009 qui avait, lui aussi, eu l’épreuve d’un congrès très difficile (à Reims). Mais ànl’époque, Marine Le Pen n’avait pas encore le vent si en poupe…

À parcourir aussi : George Stinney, l’enfant bouc émissaire d’une justice expéditive

À consulter aussi : L’après-Borloo au Pays du Centre (2)

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