Zone euro: la croissance s’installe

Publié le : 17 septembre 20186 mins de lecture

REUTERS/Yves Herman

Les bonnes fées  semblent enfin s’être rappelé de l’existence de la zone euro. Alors qu’elle  semblait durablement engluée dans la stagnation économique, à la suite de la crise des dettes publiques de 2010-2012, tous les indicateurs passent enfin au vert et le résultat est là : la croissance s’accélère. La Commission européenne a annoncé, hier, qu’elle tablait sur +1,5 % dans la zone euro pour cette année (1,8 % dans l’UE à 28) au lieu des 1,3 % prévu en février et sur 1,9 % pour 2016 (2,1 % pour l’UE).

« Nous avons aujourd’hui des indications claires qu’une reprise cyclique véritable est désormais en cours », a estimé Pierre Moscovici, le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires. La mauvaise nouvelle, car il y en a une : la France fait moins bien que ses partenaires : 1,1 % en 2015 et 1,7 % l’année prochaine. Hier, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a tiré le signal d’alarme : « fondamentalement, l’économie française ne va pas assez bien » et reste « impuissante à créer des emplois nécessaires à ses jeunes » en dépit « de l’environnement monétaire et financier le plus favorable (…) depuis plusieurs décennies ».

De fait, après les tensions de 2010-2012, qui avaient poussé les taux d’intérêt sur les emprunts d’État au plus haut (sauf pour l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe), la situation s’est non seulement normalisée, mais jamais la zone euro n’a emprunté à des taux aussi favorables, ce qui donne de l’air aux finances publiques : les marchés prêtent à Berlin à 10 ans à un taux de 0,45 %, à Paris à 0,70 %, à Rome à 1,57 %, à Madrid à 1,54 %, etc. Selon Christian Noyer, une baisse d’un point équivaut, pour la France, à une économie annuelle de 40 milliards… Un effet, notamment, du « quantitative easing » lancé en mars dernier par la Banque centrale européenne (BCE) qui rachète sur le marché secondaire (celui de la revente) 60 milliards d’euros par mois de dettes publiques. L’effet sur l’économie réelle commence à se faire sentir, les taux d’intérêt consentis par les banques commerciales plongeant, ce qui facilite le financement des entreprises et des ménages.

L’effet de cette politique très volontariste de Francfort, aux limites extrêmes de son mandat, à laquelle s’ajoute la bonne conjoncture américaine et la remontée des taux programmées outre-Atlantique, ont fait chuter l’euro de 25 % en un an face au dollar (à environ 1,10 dollar pour 1 euro), mais aussi, dans une moindre mesure, vis-à-vis des autres monnaies. Une telle baisse, favorable aux exportations, aurait pu avoir des conséquences catastrophiques sur les importations, notamment sur le prix de l’énergie. Mais là aussi, les bonnes fées ont joué leur rôle : la chute des prix de l’énergie a largement neutralisé cette baisse de la monnaie unique. Cerise sur le gâteau, la politique monétaire de la BCE restera très accommodante (les taux à trois mois sont à 0,05 %) au moins pour les deux prochaines années et la politique budgétaire est neutre dans la plupart des pays (sauf la France) qui sont revenus sous les 3 % du PIB de déficit.

Dès lors, on comprend que moral des ménages et des industriels se soient améliorés, ce qui a relancé la consommation intérieure. La fin de la crise de la zone euro a aussi joué : l’Irlande et le Portugal sont sortis, comme prévu, du plan d’assistance financière européen et ont renoué avec la croissance (3,6 % pour la première, 1,6 % pour le second), tout comme l’Espagne (+ 2,8 %) et bientôt Chypre (- 0,5 % cette année, + 1,4 % en 2016).

Le seul point noir demeure la Grèce qui ne parvient pas à sortir de la crise. Ainsi, alors que la Commission tablait encore sur une croissance de 2,4 % en 2015, elle a revu hier à la baisse sa prévision à cause des graves incertitudes politiques que font peser sur ce pays les interminables négociations sur son programme de réformes : + 0,5 %… Mais, si tout se termine bien, Athènes peut tabler sur une croissance de 2,9 % en 2016 !

Le chômage a aussi logiquement entamé sa lente décrue, après le pic de 2013 (12 %), ce qui aura un effet sur la consommation et donc la croissance : 11 % cette année, 10,5 % l’année prochaine. Mais la situation de l’emploi reste très contrastée entre les pays de la zone euro, de 4,6 % de chômage en Allemagne à 25,6 % en Grèce, même si là aussi la situation s’améliore (23,2 % en 2016).

Cela étant, une hirondelle ne fait pas le printemps. Pierre Moscovici a mis en garde contre un relâchement des efforts : il faut continuer à réformer, à investir et à purger les comptes publics. Un message relayé, hier, par le gouverneur de la Banque de France dans un discours très offensif : outre un « redressement des finances publiques et un réexamen de l’action publique », il a demandé une baisse du coût du travail notamment en revoyant l’indexation du SMIC, une réforme du droit du travail, de la sécurité sociale et de la fiscalité. Réponse cinglante de Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement : « du côté des libéraux, banquiers, financiers, cela ne va jamais assez loin ».

N.B.: version longue de mon article paru dans Libération du 7 mai.

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