Les attentats du 13 novembre à Paris sont dramatiques et hélas simples : une dizaine de terroristes kamikazes ont lâchement assassiné 129 citoyens innocents, en blessant 352 autres dont 99 qui sont dans un état très grave. Et nos pensées se dirigent naturellement vers toutes les victimes, leurs familles et leurs amis.
Mais après le deuil national, il est temps de réfléchir aux véritables causes de ces attentats pour agir correctement afin que ceci ne se reproduise plus…
Précipitation à aller bombarder en Syrie pour jouer les gros bras, sans même un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, lenteur à mettre en place des mesures de sécurité préventives efficaces, notamment immédiatement après les attentats contre Charlie-Hebdo, et angélisme européen sur la libre circulation des biens et des personnes, cela nous oblige évidemment à demander des comptes à nos dirigeants politiques et au premier d’entre eux en la personne du Président de la République.
On ne peut en effet que s’interroger sur les raisons qui ont poussé François Hollande à ordonner des bombardements en Syrie avec l’aval initial de six pays européens seulement (Croatie, Danemark, Grèce, Lettonie, Roumanie et Chypre). Les jeunes communicants qui entourent le Président de la République ont-ils pensé qu’une stature de chef de guerre pouvait améliorer sa côte de popularité dans l’opinion ?
Et il est assez pathétique aujourd’hui de voir François Hollande quémander l’aide budgétaire de l’UE pour financer les actions militaires de la France dans plusieurs pays, au Moyen-Orient et en Afrique, avouant ainsi ne pas avoir les moyens budgétaires suffisants pour assurer simultanément la guerre et ses conséquences que sont la protection des Français et l’Etat d’urgence.
Quant à nos médias bien-pensants, ils ne s’interrogent guère non plus sur les causes profondes de cette tragédie, occupés d’abord à nous faire revivre minute par minute cette soirée d’horreur en repassant en boucle les images des différents lieux du drame et les nombreux témoignages des rescapés.
Heureusement, il y a encore quelques personnalités indépendantes, comme le philosophe Michel Onfray à gauche ou l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin à droite qui font entendre un tout autre discours que celui d’un engagement militaire dans des conflits qui ne nous regardent pas, entre sunnites et chiites.
Dans une interview récente, Michel Onfray était revenu pour RT France* sur les sujets qui ont, ces derniers temps, marqué l’actualité en France : la crise migratoire mais aussi indirectement, car il n’en n’avait pas encore connaissance, sur les attentats de Paris…
RT France : Comment jugez-vous la façon qu’a l’Europe de traiter de cette crise migratoire ?
Michel Onfray (M.O.) : L’Europe n’existe pas, sauf par sa monnaie unique. On voit bien dans cette affaire combien elle est impuissante, nulle, désarticulée. Elle bricole, ne parle pas d’une seule voix, elle improvise. C’est pitoyable.
RT France : Quand vous dites «BHL fait partie des gens qui ont rendu possible cet enfant mort», que vouliez-vous dire par là ? Qui sont «les autres gens» ?
M.O. : Que tous ceux qui ont justifié les guerres contre l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, le Mali et autres pays musulmans sont responsables et coupables. Ils ont légitimé le bombardement de milliers de personnes sur place. Que la communauté musulmane soit en colère contre l’Occident me parait tout à fait légitime. L’Occident attaque prétendument pour se protéger du terrorisme, mais il crée le terrorisme en attaquant. Quel irakien menaçait la France en 1991 ? Saddam Hussein finançait même la campagne d’un président.
L’Occident attaque prétendument pour se protéger du terrorisme, mais il crée le terrorisme en attaquant.
RT France : Depuis la publication de la photo du petit enfant, les opinions publiques européennes semblent opérer une volte-face sur cette question, comment l’expliquez-vous ? Qu’est-ce que cela dit de nos opinions publiques ?
M.O. : Les médias ont transformé le peuple qui pensait en populace qui ne pense pas et ne réagit plus qu’à l’émotion, au pathos, à la passion. L’image d’un enfant mort interdit de penser : elle arrache immédiatement la pitié. La pitié empêche de penser. La preuve : ceux qui ont rendu possible cette mort en détruisant les pays bombardés vont répondre en bombardant plus encore.
RT France: Pourquoi cette crise migratoire semble-t-elle être traitée politiquement et médiatiquement «hors-sol», comme si elle n’avait pas de causes géopolitiques précises?
M.O. : Parce que le personnel politique est fait de gens médiocres qui n’ont aucune vision d’avenir pour le pays, aucun sens de l’histoire et qu’il n’écoute plus que les communicants qui leur donnent des recettes pour être élus ou réélus. La question n’est plus : «qu’est-ce qui est bon pour la France ?», mais «qu’est-ce qui va permettre ma réélection ?». La guerre, on le sait, hélas, booste les cotes de ceux qui les déclenchent. La testostérone fait plus en la matière que la matière grise.
RT France : François Hollande a annoncé des frappes aériennes sur la Syrie que vous avez aussitôt vivement condamnées. Pourquoi ?
M.O : Bombarder des combattants de l’Etat Islamique suppose tuer des victimes civiles innocentes, les uns vivant chez les autres, et que ça n’empêchera pas un islamiste radical vivant en France de passer à l’acte. Au contraire !
RT France : Jacques Sapir a lancé l’idée d’un mouvement rassemblant tous les souverainistes, allant même jusqu’à une alliance avec le FN. Vous avez estimé que «l’idée est bonne (…) de fédérer les souverainistes des deux bords». Pourquoi ?
M.O. : Les souverainistes sont majoritaires dans l’opinion mais inexistants parce que répartis dans des partis très hétérogènes qui comptent pour rien dans la représentation nationale. Mais jamais un électeur de Mélenchon ne soutiendra une thèse de Marine Le Pen et vice versa. Seul un tiers au-dessus des partis pourrait fédérer ces souverainistes de droite et de gauche.
RT France : Cette proposition de Sapir ne traduit-elle pas une recomposition des lignes politiques dont le pivot (ou l’axe) ne serait plus l’économie mais le rapport à l’Europe ? Comment voyez-vous cette recomposition politique du paysage français ?
M.O. : L’idée est juste, mais elle n’aboutira pas. Les souverainistes sont représentés par des politiciens qui n’ont en tête que leur ego, leur trajectoire personnel, leur narcissisme. Aucun ne sera capable de jouer la fédération sous la bannière d’un tiers en s’effaçant. Entre la France et eux, ils ne choisiront pas la France.
* RT France est une chaîne de télévision d’information continue qui diffuse en français et propose un point de vue alternatif sur l’actualité internationale.
> Interview de Dominique De Villepin ICI